Président de la commission d’enquête parlementaire créée après la mort de Rémi Fraisse sur la ZAD de Sivens en octobre 2014, le député écolo Noël Mamère s’inquiète d’un changement de paradigme : « A l’origine, notre mission était la suivante : comment adapter le maintien de l’ordre à la liberté de manifester ? Dans le rapport [rédigé par Pascal Popelin, proche de Valls, et que Mamère a refusé de signer, NDLR], c’est devenu le contraire. Le gouvernement est dans une stratégie de la tension qui fait planer la menace d’un nouveau drame. Depuis les attentats, il a laissé la bride sur le cou à une police sacralisée transformée en seule gardienne de la République ». Fabien Jobard ne dit pas autre chose : « Aujourd’hui, le gouvernement n’a pas d’autre stratégie que celle de la confrontation. Le pouvoir est dépendant de sa police, et c’est d’autant plus vrai sous l’#état_d’urgence, où il devient difficile de maintenir un niveau d’exigence élevé. »
Exténuées par un état d’exception qui dure, éreintées par #Vigipirate, au bord du burn out, les forces de l’ordre pourraient bien devenir l’instrument de gouvernance d’un pouvoir en crise. L’inflexion ne serait d’ailleurs pas si neuve : en janvier 2014, alors qu’il occupait encore la place Beauvau, Manuel Valls a édicté un nouveau code déontologique pour la police, qui étend la responsabilité des fonctionnaires jusque dans leur vie privée. Un code qui, selon la CGT Police, « enterre définitivement la police nationale républicaine, composée de personnels citoyens, au service de la population. A la place, nous avons une milice, de personnels sujets devant fidélité au chef, au pouvoir en place. »
Dans les syndicats de police majoritaires, on se borne pour l’instant à relayer les éléments de langage prononcés par la classe politique et répétés par les #médias, dénonçant « des manifestations de plus en plus violentes » (Unité SGP FO). Le syndicat Alliance a même appelé à une journée de manifestation le 18 mai pour protester contre « la haine antiflic ». Prenant le risque de fermer les yeux sur le fond du problème ? « L’insularité de nos forces de l’ordre, historiquement hermétiques aux sciences sociales, devient criante, alerte le chercheur Fabien Jobard. La police française se targue d’exporter son modèle de maintien de l’ordre mais ne se rend pas compte qu’elle parle d’un temps révolu. Les seuls pays à qui elle vend encore son savoir-faire sont des régimes autoritaires chancelants d’Afrique ou du Maghreb. ».