Le Monde diplomatique

Mensuel critique d’informations et d’analyses

  • La stratégie de l’émotion, par Anne-Cécile Robert
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/02/ROBERT/54709 #st

    L’#émotion pose un redoutable défi à la #démocratie, car il s’agit, par nature, d’un phénomène qui place le citoyen en position passive. Il réagit au lieu d’agir. Il s’en remet à son ressenti plus qu’à sa #raison. Ce sont les événements qui le motivent, pas sa pensée. Les marches blanches n’ont aucune conséquence pratique : la justice demeure sans moyens, la société continue de se décomposer. D’ailleurs, on n’a encore répertorié aucune marche blanche pour le suicide d’un chômeur ou l’assassinat d’un inspecteur du travail. « L’émotion est subie. On ne peut pas en sortir à son gré, elle s’épuise d’elle-même, mais nous ne pouvons l’arrêter, écrivait Jean-Paul Sartre. Lorsque, toutes voies étant barrées, la #conscience se précipite dans le monde magique de l’émotion, elle s’y précipite tout entière en se dégradant (…). La conscience qui s’émeut ressemble assez à la conscience qui s’endort. »

    A la « stratégie du choc » décryptée par Naomi Klein, faut-il ajouter une « stratégie de l’émotion » ? La classe dirigeante s’en servirait pour dépolitiser les débats et pour maintenir les citoyens dans la position d’enfants dominés par leurs affects. L’émotion abolit la distance entre le sujet et l’objet ; elle empêche le recul nécessaire à la pensée ; elle prive le citoyen du temps de la réflexion et du débat.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/27303 via Le Monde diplomatique