tbn

récoltes et semailles

  • Pour échapper à la justice, des sites d’#extrême_droite se délocalisent (Olivier Faye, Le Monde, « La “fachosphère” s’expatrie », 21/05/2016)
    http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/05/20/la-fachosphere-s-expatrie_4923247_823448.html

    Les militants d’extrême droite aiment se définir comme « enracinés » : dans une culture, une histoire, un territoire... Mais il leur arrive parfois de prendre quelques libertés avec cet attachement revendiqué. Depuis plusieurs années, certains sites Internet de la « #fachosphère » – cette nébuleuse très active de sites, #blogs et #forums, qui s’évertue à prêcher la parole « patriote » sur la Toile – sont hébergés à l’étranger, dans le but à peine voilé d’échapper à la justice française.

    Le journaliste Nicolas Hénin, otage en Syrie entre 2013 et 2014, connu pour son travail sur le djihadisme, l’a découvert à ses dépens. En février, il a porté plainte pour diffamation contre le site de l’association islamophobe Riposte laïque et l’un de ses contributeurs, coupable, selon lui, d’un « article ordurier » à son encontre. « C’est un ancien médecin, qui met en avant cette qualité pour poser un quasi-diagnostic sur moi et dire que je suis soumis à l’islam. C’est une attaque insupportable », reproche M. Hénin.

    Seul hic : à l’heure de porter plainte, le journaliste et son avocate ont peiné à trouver le nom du directeur de la publication - légalement responsable en droit de la presse - et ont réalisé que le « journal » était placé sous la coupe de l’association Riposte laïque Suisse. Seul le nom d’une « responsable du site » est indiqué clairement, celui d’une Marocaine domiciliée... en Thaïlande. De quoi compliquer le travail de la justice. Sollicitée, la « responsable » n’a pas répondu au Monde pour cause de « déménagement ». A Bangkok ou ailleurs, cela n’est pas précisé, mais le voyage continue.

    « Nous avons épousé le discours mondialiste et le multiculturalisme », explique avec ironie Pierre Cassen, un des fondateurs de Riposte laïque, groupuscule qui s’est affiché ces derniers mois aux côtés du mouvement allemand anti-islam Pegida ou du Siel, petit parti associé au Front national. Avec une pointe de fierté dans la bouche, M. Cassen revendique une quinzaine de plaintes contre son association, aussi bien pour diffamation que pour provocation à la haine.

    Mais l’expatriation ne représente cependant plus un pare-feu absolu. Le responsable suisse de Riposte laïque Suisse, Alain Jean-Mairet, a en effet été condamné en avril par la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour un article violent contre les musulmans.

    Une première pour le site depuis son transfert de l’autre côté des Alpes, qui a fait appel. Le tribunal a estimé être compétent, puisque les propos litigieux étaient accessibles en France. « Etre à l’étranger ne simplifie pas la tâche de la justice, mais ça n’a pas l’air de l’arrêter non plus, déplore Christine Tasin, épouse de M. Cassen et animatrice de Riposte laïque. Nous, les anti-islam, nous ne sommes pas bien vus, ils peuvent être prêts à tout. »

    Le site Fdesouche, véritable navire amiral de la « fachosphère », dont Marine Le Pen a publiquement pris la défense par le passé, se réfugie, lui aussi, à l’étranger pour tenter d’échapper à la justice. La plate-forme est hébergée au Canada. Son directeur de la publication est un Indien, un certain Tilak Raj, que la police locale a échoué à localiser.
    L’homme se soucie a priori peu des préoccupations franco-françaises contenues dans les articles relayés quotidiennement par Fdesouche sur l’insécurité, l’islam ou les questions identitaires, qui forment un cocktail volontairement anxiogène. « Peut-être que son cousin vendait des marrons chauds à la gare de l’Est et qu’il s’est fait agresser », plaisante Pierre Sautarel, véritable animateur du site, dans un livre à paraître à l’automne, écrit par les journalistes Dominique Albertini et David Doucet (La Fachosphère, Flammarion).