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récoltes et semailles

  • Au cœur du cortège de tête
    http://www.streetpress.com/sujet/1464688427-manifestations-au-coeur-du-black-bloc

    Pour lui, le recours à la #violence ne doit pas être systématique et n’est en aucun cas une fin en soi. Il reconnaît cependant qu’il existe chez certains une sorte d’attrait pour la castagne :

    « Quelques-uns vont en manif comme à un match de foot. L’équipe adverse, c’est les flics. »

    Selon Ahmad, l’enjeu est ailleurs :

    « La question n’est pas seulement d’avoir des milliers de personnes qui descendent dans la rue mais de savoir combien de personnes vont continuer à s’organiser après ce mouvement et penser une autre société. »

    #ultras

    • Derrière les « casseurs », toute une galaxie ("Le Monde", Julia Pascual, 28 mai 2016) http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/05/27/qui-sont-les-casseurs_4927393_3224.html

      Des solidarités s’expriment autour des militants de la gauche radicale qui vont à la confrontation
      Des vitrines prises pour cibles, une tentative de détournement du cortège réprimée dans un épais nuage de gaz lacrymogènes, une place de la Nation, théâtre de charges aussi sporadiques que violentes… Jeudi 26 mai, la huitième journée d’action nationale a de nouveau été émaillée d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre.

      Lors de ces heurts, à Paris, "un jeune homme a été blessé sérieusement" puis hospitalisé, a indiqué le ministère de l’intérieur, qui a demandé à l’Inspection générale de la police nationale de diligenter une enquête. Au total, trente-deux personnes ont été placées en garde à vue à Paris, soixante-dix-sept dans tout le pays.

      Derrière ces événements, la figure du "casseur" plane, qui écrase depuis plusieurs semaines la chronique médiatique des -manifestations contre la "loi travail". Mais qui se cache sous les coupe-vent noirs que l’on voit se masser en petites grappes dans les cortèges et qui, entonnant un "ahou" aux accents guerriers, semblent aller à la confrontation comme un seul homme ?

      Des "voyous" pour le premier ministre Manuel Valls ; des "milices d’extrême gauche" pour Marine Le Pen ; ou carrément des "terroristes, des Daech de l’intérieur", pour Jean-Pierre Giran, député Les Républicains et maire d’Hyères… "C’est un petit noyau extrêmement déterminé politiquement", avance-t-on Place Beauvau. Il regrouperait "une cinquantaine d’antifascistes et autant d’anarcho-autonomes". Viendraient aussi se greffer des profils "type Nuit debout, avec des intermittents, des précaires, des chômeurs, quelques étudiants et lycéens, qui restent à la fin de la manif et fonctionnent plutôt par mimétisme, quand les autres se sont déjà carapatés et ne se font généralement pas interpeller".

      Depuis la mi-mai, le gouvernement socialiste trente-quatre ans après avoir abrogé la loi "anticasseurs" instaurée par la droite pour incriminer les participants à un attroupement violent – a tenté de neutraliser ceux qu’il considère comme les "têtes de réseaux" de ces affrontements. Sur la base de l’Etat d’urgence, des dizaines d’arrêtés d’interdiction de manifester ont été pris. A Paris, ils ont particulièrement visé des membres de groupes tels que l’Action anti-fasciste Paris-Banlieue (AFA) ou le Mouvement inter luttes indépendant (MILI). Des étiquettes qui renforcent l’idée d’une mouvance structurée, dont s’amusent pourtant certains.

      "Etre un black bloc, ce n’est pas une entité, c’est une stratégie de manifestation", commente un lycéen parisien. "J’aimerais bien qu’on soit aussi organisé qu’ils le disent, mais c’est une construction médiatique, relativise à son tour un militant anarchiste. Les services de police ont ciblé les plus médiatiques. Le MILI a répondu à des interviews, et appelé à des manifestations de lycéens, l’AFA est connue depuis la mort de Clément Méric…" Ce chômeur âgé de 25 ans, qui milite au sein d’un "groupe -affinitaire d’une dizaine de personnes", préfère décrire une "petite galaxie de groupes de cinq, dix ou trente, qui ne se parlent pas forcément entre eux".

      Un portrait impressionniste que complète la sociologue Isabelle Sommier, spécialiste de la violence politique : "Il s’agit d’une nébuleuse que l’on peut rassembler sous le terme d’ultragauche. Ses sensibilités sont l’antifascisme, l’écologie – avec les ZAD –, la solidarité avec les migrants et la remise en question des frontières – dans la filiation des “no borders” –, la dénonciation de la surveillance ou du “flicage généralisé”, ou encore celle des violences policières."

      Le MILI a, par exemple, été fondé fin 2013 à Paris par une trentaine de lycéens, en soutien à Leonarda, collégienne kosovare menacée d’expulsion. Se décrivant comme une "bande de potes", ils ont élargi leur mobilisation et, dans l’actuel mouvement social, ont été à l’initiative de manifestations lycéennes.

      Le positionnement de ces groupes "renvoie historiquement à des courants politiques du début du XXe siècle, d’opposition au léninisme", rappelle Isabelle Sommier. Ensuite, dans les années 1960 et 1970, les autonomes -connaissent une sorte d’"acmé" en Italie, puis en Allemagne et en France, mâtinée "d’anarchisme pour valoriser l’action directe, et rejeter toujours plus les orga-nisations". Enfin, les manifestations antiglobalisation des années 2000 signent "le retour à une stratégie de confrontation avec les forces de l’ordre et d’attaques contre les symboles du capitalisme, par ce qui est alors appelé le ou les black blocs".

      Si ces militants sont qualifiés de "petits-bourgeois" par leurs détracteurs de la droite identitaire, ou d’"éternels première année" par les services de police, Isabelle Sommier rappelle que "l’engagement, quel qu’il soit, requiert une certaine disponibilité permise par l’âge, la capacité à dégager du temps pour militer et des ressources, notamment culturelles". Ceux-ci n’échappent pas à la règle. Et présentent globalement "un niveau d’études supérieur à la moyenne et des positions sociales les situant dans les classes moyennes supérieures. On note toutefois avec le temps plus d’expériences de précarité et de déclassement social". Xavier (prénom d’emprunt), manifestant chevronné, veut croire que "la différence du mouvement actuel, c’est que la confrontation est assumée de façon massive". Et notamment dans le cortège qui a supplanté le traditionnel carré syndical en tête des manifestations.

      Constitué au départ d’à peine quelques centaines de personnes, il s’est étoffé par la suite, attirant à lui, au-delà des étudiants, lycéens et militants rodés, tous types de déçus des partis et des syndicats… C’est dans ce peloton de tête autonome que les slogans "Tout le monde déteste la police" sont entonnés, et c’est à ce cortège que la préfecture de police de Paris a demandé de "se désolidariser des casseurs". En vain ?

      Marion (prénom d’emprunt) refuse la "dissociation qui consiste à vouloir faire croire que l’affrontement, ce n’est pas la manif". Si cette étudiante en sciences humaines de 21 ans a "trop peur pour être offensive", elle a progressivement appris à adopter une "posture de soutien", notamment lorsque les forces mobiles chargent, pour éviter de scinder le cortège, ou en s’habillant en noir pour "protéger" ceux qui ont besoin d’être anonymes.

      De même, trois élèves du lycée Sophie-Germain, dans le 4e arrondissement de Paris,expliquent éprouver une "vraie solidarité" avec ceux qui passent à l’acte. Après l’affaire Leonarda et la mort de Rémi Fraisse, en octobre 2014, ils disent avoir acquis une "conscience politique" et partagent un même rejet des syndicats lycéens, de "la société de consommation", du "JT de 20 heures" et des violences policières. C’est d’ailleurs cette violence qui expliquerait la radicalisation de certains de leurs camarades gazés, matraqués ou interpellés injustement, d’après eux.

      Hugo, un élève de première technologique dans le privé, ne dit pas autre chose. Entraîné par des amis à lui proches du MILI, il a été gazé le 28 avril place de la Nation, en fin de manifestation. Il s’est alors saisi de bouts de bitume… S’il ne s’équipe pas dans le but de participer à des affrontements, il estime qu’"aller à la confrontation, c’est dire au gouvernement qu’il ne peut pas se cacher derrière la police". Lui participe au mouvement "surtout depuis le recours au 49.3, un déni de démocratie".

      Isabelle Sommier note l’incidence d’une "conjoncture politique pesante qui, avec l’absence de perspectives à gauche, s’alourdit au fil des manifestations par une politique répressive aussi bien policière que judiciaire, faisant basculer des pans entiers de la jeunesse contre la police et le pouvoir qu’elle incarne…" Camille (prénom d’emprunt), étudiant en Staps de 23 ans, en est persuadé : "On nous empêche de nous organiser, d’occuper la rue ou d’aller vers les lieux de pouvoir… C’est la présence policière et sa violence qui entraînent l’affrontement. Mais les gens ont envie d’autre chose."

      La conquête de la tête de cortège, une singularité du mouvement ("Le Monde", 28/05/2016, Alban De Montigny) http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/05/27/la-conquete-de-la-tete-de-cortege-une-singularite-du-mouvement_4927684_3224.

      « C’est la première fois que je viens dans la tête de cortège autonome. Je l’ai fait notamment pour montrer que cette partie du défilé est diversifiée, qu’il n’y a pas que des manifestants violents. » Alexis, militant à Attac et étudiant en sciences politiques, a défilé contre la « loi travail », jeudi 26 mai à Paris. Mais pas derrière le « carré de tête » de l’intersyndicale.

      C’est l’une des singularités du mouvement social actuel : l’ouverture de la manifestation a rapidement été contestée aux centrales syndicales par quelques centaines de militants qui ne se retrouvent pas dans les canaux classiques de représentation.

      Antifascistes, autonomes, anarchistes, mais aussi lycéens, étudiants, déçus des syndicats et des partis… Les têtes de cortège ont peu à peu pris de l’ampleur jusqu’à représenter plusieurs milliers de personnes. Jeudi, pour la première fois, un mouvement « interluttes », réunissant des étudiants, des cheminots, des postiers ou encore des travailleurs sociaux, était venu grossir ses rangs.

      C’est au sein de cet ensemble hétérogène qu’évoluent quelques dizaines de militants désireux d’aller à la confrontation avec les forces de l’ordre.Interrogé sur RTL le 19 mai au sujet de ces violences, le premier ministre, Manuel Valls, avait demandé aux syndicats de « prendre leurs responsabilités ». « Les services d’ordre - syndicaux - , avec le soutien bien sûr de la police, doivent prendre toutes les mesures pour empêcher les casseurs de se mêler à la foule des manifestants », avait-il asséné. En mettant en cause les services d’ordre (SO), ces équipes de militants chargées d’assurer le bon déroulé des défilés, le gouvernement laissait entendre que les syndicats échouaient à tenir leurs troupes.

      Mais l’enjeu, en réalité, c’est le fait que les syndicats soient débordés par un cortège dénué de toute étiquette, et que ce débordement se révèle parfois source de tensions entre manifestants. « Les uns veulent de l’ordre et que tout se passe dans le calme, les autres revendiquent le spontanéisme et cherchent à renouer avec la logique émeutière des défilés du XIXe siècle, explique Isabelle Sommier, sociologue et spécialiste des mouvements sociaux. Leur utilisation de la manifestation est opposée. »

      Lors de la manifestation du 17 mai, des heurts avaient ainsi éclaté entre des manifestants et des membres des SO de FO et de la CGT. Ceux-ci s’étaient munis de casques, de matraques et de battes de baseball, échaudés par les affrontements de la journée du 12 mai : des membres de services d’ordre avaient reçu des projectiles, treize personnes avaient été blessées du côté des syndicats. Peu avant, certains manifestants avaient scandé « SO, collabos ». Pour les centrales, ces tensions découlent de la publication, la veille, d’un communiqué par la préfecture de police de Paris. Elle y indiquait qu’"une liaison étroite - serait - maintenue entre les forces de l’ordre et le service d’ordre des organisateurs".

      Une proximité que dément Jacques Girod, secrétaire adjoint de l’union départementale FO de Paris : « Nous avons des contacts avec la préfecture mais à aucun moment nous ne collaborons ! » Pour Frédéric Bodin, en charge des questions de service d’ordre à Solidaires, « la préfecture aimerait bien que l’on sécurise l’extérieur du cortège mais ce n’est pas notre rôle. Un SO ne gère que l’intérieur ».

      « Le 12 mai et le 17 mai, c’était chaud parce que les syndicats ont voulu se mettre devant en jouant les gros bras », assure un étudiant, persuadé que la préfecture a mis sous pression les syndicats pour qu’ils reprennent possession de l’avant du défilé. « Nous n’avons pas essayé de récupérer la tête, nous ne cherchons pas l’affrontement », assure pourtant Jacques Girod. « Il n’y a jamais eu de mot d’ordre de la CGT pour éjecter des manifestants violents, affirme Gérard, un militant qui participe régulièrement au service d’ordre. Dès lors que la manifestation est organisée par des syndicats, c’est logique qu’ils soient en tête pour faire passer un message. »

      Un « message » qu’il craint de voir brouillé par les violences qui se répètent à chaque manifestation.