Le solde du compte des administrations de #sécurité_sociale fait l’objet d’un intense débat chaque année. Si la présentation dominante donne à voir une situation financière par nature catastrophique, un nombre croissant d’acteurs cherche à mettre en évidence les nombreuses conventions qui président au calcul et à la présentation de ce solde. Dans l’esprit des travaux menés par Alain Desrosières, l’idée est de rappeler à quel point le chiffre est le produit d’un travail social. La quantification repose sur des conventions de toutes sortes elles-mêmes étant le résultat d’arrangements institutionnels et de rapports de force. Or, parce que de nombreuses options sont possibles, les conventions choisies diffusent une certaine représentation du monde qui n’est pas neutre. À ces conventions statistiques s’ajoutent dans le cas du solde des comptes de la sécurité sociale des conventions de langage. En effet, la présentation du chiffre s’accompagne presque systématiquement d’un champ sémantique à la connotation négative. Il est alors question du « déficit » de la sécurité sociale ou, plus familièrement du « #trou_de_la_sécu » là où il conviendrait de parler de besoin (ou de capacité) de financement de la sécurité sociale. La représentation du monde est ici encore plus explicite dans la mesure où le jugement sur le chiffre figure dans sa présentation même. À la limite du langage religieux, il faut comprendre que le « trou de la sécu » serait péché dont l’absolution viendrait de la réduction des dépenses de sécurité sociale. Pourtant, d’autres mondes sont possibles.
Par la méthode d’histoire économique, l’objectif de cette proposition de communication est d’approfondir la compréhension des conventions statistiques et langagières à l’origine de la présentation du solde du compte des administrations de sécurité sociale. L’analyse historique permet de montrer que l’ensemble des préoccupations contemporaines liées au besoin de financement de la sécurité sociale sont présentes dès les premières années de son fonctionnement. Les débats parlementaires de l’année 1949 dont nous proposons de faire une analyse sont particulièrement frappants à cet égard. Les arguments de chacun des protagonistes raisonnent d’une étrange actualité : concurrence internationale, abus des assurés, coût du travail, compétitivité, inefficacité du secteur public, etc. Bien que les données du problème soient comparables à celles d’aujourd’hui, l’issue des débats parlementaires a justifié l’augmentation des recettes de la sécurité sociale.
Ainsi, on apprend que le « déficit » de la sécurité sociale n’est pas une question neuve, c’est l’attention et la réponse politique qui lui sont accordées qui sont neuves. D’autres mondes sont possibles.