A Syracuse, des centaines de corps des migrants noyés lors d’un naufrage, en avril 2015, attendent d’être identifiés, puis inhumés. Reportage Valérie Dupont Envoyée spéciale à Syracuse (Sicile)
Sous un soleil de plomb, le long de la mer, il se dresse sous un chapiteau blanc, dans la base militaire de Melilli en Sicile. Vu de loin, on pourrait croire qu’il a été sorti de l’eau pour quelques travaux de peinture. Bleu et blanc, il est semblable à tous les autres bateaux de pêcheurs, ces vieux rafiots utilisés par les passeurs libyens pour envoyer en Europe des milliers de migrants. De près pourtant, des nuages de mouches tournent encore autour de l’ouverture béante taillée dans le flanc de la coque par les pompiers siciliens qui ont dû sortir les corps de ce tombeau marin."Lorsque j’ai vu l’intérieur du bateau, à peine sorti de l’eau, j’ai pensé que ceux qui ont embarqué devaient être totalement inconscients. Ils ne devaient pas connaître les dangers de la mer, car un vrai marin n’accepterait jamais de naviguer de la Libye jusqu’en Italie, avec des centaines de personnes agglutinées dans le chalutier", reconnaît le commandant Nicola De Felice, responsable de l’opération Melilli 5.
L’opération a commencé le 20 avril 2015, quelques heures après le terrible naufrage au large des côtes libyennes, lorsque le chalutier a percuté un paquebot portugais, et a coulé à pic pour se poser à 360 mètres de fond. Quelques heures plus tard, la marine militaire italienne récupère vingt-huit survivants et quarante-huit corps ; mais très vite les témoignages des rescapés font craindre le pire. Ils affirment qu’au moins huit cent cinquante personnes se trouvaient à bord ; si cela se confirme, il s’agit du plus grave naufrage d’un bateau chargé de migrants. « L’Italie donnera une sépulture digne à ces migrants », déclare le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, dans les jours qui suivent.