Marc Dobler

Faire des trucs c’est sérieux

  • Svetlana Anokhina : « Je suis la honte du Daghestan »
    http://www.lecourrierderussie.com/regions-et-villes/caucase-du-nord/daghestan/2016/07/svetlana-anokhina-journaliste-interview

    « Makhatchkala est une ville horrible mais je l’adore parce que j’aime l’énergie des Daghestanais » Cet article Svetlana Anokhina : « Je suis la honte du Daghestan » a été publié en premier sur Le Courrier de Russie.

    • LCDR : Quel est votre regard sur la situation de la femme au #Daghestan ?
      S.A. : La situation de la femme au Daghestan est aussi mauvaise que dans le reste de la Russie, mais avec des particularités locales : ici, tout est tu, pour ne pas nuire à la réputation de la famille. Tant les autorités que les gens se taisent, il n’y a même pas de rumeurs. Ça rend difficile une analyse, mais ce qui me surprend le plus, c’est qu’on peut trouver, dans un même village, des familles très patriarcales, où un père peut tuer ses filles, et une famille qui a des mœurs très libres.
      […]
      LCDR : Quel est le modèle de vie féminin le plus répandu ?
      S.A. : Rester à la maison, s’occuper des enfants, être pieuse mais pas trop.

      LCDR : En portant quels vêtements ?
      S.A. : Une jupe longue, pas de maquillage, un foulard, oui, peut-être, mais un foulard qu’on peut enlever.

      LCDR : Et vous ?
      S.A. : Jamais. On me prend souvent pour une étrangère mais je suis née ici. Les gens ne savent pas dans quelle case me mettre, ils m’ont mise dans la case « La honte du Daghestan », on me fait des remarques parce que je fume mais j’ai cinquante-quatre ans cette année, alors toutes ces remarques, ils se les mettent là où je pense. Si je suis comme je suis, c’est aussi parce que j’ai vécu ici. Mon père dirigeait le département d’instruction pénale de la république, c’était un type autoritaire et ça ne me convenait pas, j’étais en guerre contre lui, je ne suis jamais entrée dans son modèle patriarcal. Ça a commencé par ma famille et le Daghestan a encore forgé mon caractère. À vingt-cinq ans, je me suis mariée et suis allée vivre à Lvov, en Ukraine, j’ai pris conscience là-bas que quand un homme me demande quelque chose, je peux ne pas me tendre, ne pas partir en courant, aller boire un verre avec lui, alors qu’au Daghestan, l’homme est un agresseur par nature.

      LCDR : Pourquoi, à votre avis ?
      S.A. : Il y a comme une règle selon laquelle l’homme caucasien doit bander tout le temps, il doit avoir une érection permanente, on ne comprend pas pourquoi il veut tout le temps baiser. C’est ainsi, mais je ne sais pas pourquoi. Dans mon livre de chevet sur les traditions daghestanaises au XIXe siècle, le pays ne compte pas de ville, beaucoup de villages, quand une femme passe, l’homme doit la contourner pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté possible, pour sa propre sécurité, parce que si la femme disait que l’homme l’avait touchée, il devait l’épouser. Quand une femme passe à côté d’un groupe d’hommes, ils doivent hausser le ton pour qu’elle entende qu’ils ne parlent pas d’elle. Il y a tout un système d’interdictions et un système très élaboré pour les contourner.