• De l’euphémisation et du masque

    "L’hystérie balnéaire déclenchée par l’affaire du burkini m’a beaucoup diverti. On eût dit un épisode, en plus effrayant, des Dents de la mer. Les identitaires franchouillards de droite et de gauche ont pu couiner contre le musulman. C’eût été pour moi un complet régal si j’avais pu entendre, comme au bon vieux temps des ratonnades, les qualificatifs de « bicot », « bougnoule », « melon », « crouille », etc. Mais non.

    Les identitaires franchouillards font désormais dans le sous-entendu. « Musulman ». Le mot, il est vrai, fait son petit effet. On entend moins une injure qu’une menace. Un bougnoule, on pouvait le passer à tabac et jeter son cadavre dans la Seine. Un musulman, ça vous égorge, vous mitraille, vous dynamite. Le bougnoule, on le terrorisait, tandis que le musulman, c’est lui qui terrorise.

    Si, donc, l’intérêt idéologique du mot « musulman » ne m’échappe pas, il n’en demeure pas moins que le discours de la stigmatisation a perdu de son pittoresque. Rien n’oblige les identitaires franchouillards à réutiliser les vieilles injures des pieds-noirs, mais eux si prompts à dénoncer le « politiquement correct » ou la « bien-pensance » manquent de courage et de talent dans l’expression de leur ressentiment.

    Rien de plus lâche de la part d’un journaliste, d’un intellectuel, d’un politicien, que d’invoquer la « valeur de la laïcité » pour accuser le métèque mahométan de s’attaquer à notre civilisation.

    D’aucuns qui se flattent d’écrire feraient mieux de prendre modèle sur Albert Caraco qui, s’il ne faisait pas mystère de haïr l’humanité en général, en vomissait des échantillons en particulier. « Je suis Raciste et Colonialiste, déclare-t-il dans Ma Confession, je crois en l’inégalité des hommes et je professe la nécessité de les réduire en servitude quand ils sont déplaisants, barbares, ignorants ou pauvres. »

    C’est ainsi, précise-t-il, qu’à l’égard « des Arabes et des Nègres, le meilleur argument sera toujours la trique et la meilleure philosophie le Racisme, ces gens sont des sous-hommes, pour s’en convaincre il suffit de les regarder et de les lire, ce qu’ils débitent sont des âneries sonores, ce qu’ils ont d’estimable est le produit du vol, l’Afrique est destinée à l’esclavage comme nos intestins à véhiculer nos ordures ». C’est avec plaisir que je lirai Causeur, Valeurs actuelles, Le Figaro quand ces journaux auront trouvé leur styliste de l’islamophobie. "

    Frédéric Schiffter - note du 7 septembre 2016 parue dans son blog : " le philosophe sans qualités "

    http://lephilosophesansqualits.blogspot.fr/2016/09/superiorite-de-lennui-2.html