Suske

Dans LapSuske, il y a Lapsus et Suske, tu saisis ?

  • Isabelle Stengers et la grande démission de la pensée - La Libre.be
    http://m.lalibre.be/actu/sciences-sante/isabelle-stengers-et-la-grande-demission-de-la-pensee-51b87c1ce4b0de6db9a8

    Un « papier » de #2002...

    La politique traditionnelle rechigne à intégrer ces nouvelles luttes ?

    L’entrée en politique d’une question nouvelle est toujours le fruit d’une #lutte. Le fait de reconnaître la pertinence de questions qui forcent à penser dans quel monde nous voulons vivre, gêne le principe de rationalité économique qui, aujourd’hui, est le mot d’ordre qui tient lieu de pensée, qui demande de nous soumettre à une sorte de fatalité. Qui nous demande d’accepter que des personnes dont les actes sont purement politiques passent en correctionnelle comme des voleurs de voiture.

    La situation est-elle pire qu’auparavant ?

    On agite l’horrible mot de terrorisme´, c'est-à- dire qu'on évoque des attaques contre les fondements même de la société, en l'occurrence un ordre économique´. Même si, pour la plupart, cet `ordre´ est synonyme plutôt de désordre, de désarroi, de désespoir. Le fait nouveau, celui qui explique sans doute le caractère brutal de la répression, est que de plus en plus de gens savent que l’avenir est obscur, menaçant.

    Un point important n’est-il pas arrivé le jour où les sondages ont montré qu’une majorité des gens ne croyait plus à un avenir meilleur pour eux et leurs enfants ?

    C’est effectivement un tournant dans l’Histoire moderne. Cela pourrait ouvrir à une certaine lucidité, mais cela peut donner aussi le pire : abandon de l’espoir, chacun pour soi et sauve-qui-peut, cynisme. Dans le passé, on pouvait serrer les dents, mais c’était pour un avenir meilleur. Aujourd’hui, on demande aux gens de serrer les dents tout court, d’accepter que même si personne ne sait ce que l’avenir nous réservera dans dix ans, il faut tenir bon. Et surtout ne pas penser. Ceux qui sont criminalisés´ le sont d'abord parce qu'ils donnent un très mauvais exemple, ce sont de véritables ennemis publics´. Parce qu’ils ont encore de l’espoir. Et je suis convaincue que cela ne fait que commencer parce que ce que nous appelons politique va être associé à des défis toujours plus graves. On aura sans doute bientôt affaire à des réfugiés climatiques´, par exemple, et rien n'indique que les écarts économiques sur la planète vont cesser de se creuser. Nous allons vers des temps troublés, des temps où beaucoup de choses dépendront des capacités de lucidité, d'inventivité, de coopération intelligente dans la population. Or c'est exactement ce qu'on demande aux citoyens de ne pas cultiver! On leur demande de fermer les yeux, de se boucher les oreilles, et d'admettre que malheureusement tout cela est nécessaire, qu’expulser les sans-papier, accepter les OGM, c’est inévitable, il n’y a rien à faire´. En réalité, on signale aux gens qu’on n’attend rien d’eux, que ce qu’ils pensent est sans conséquence : ne vous mêlez-pas de cela !