• À lire un extrait de : « Communautarisme. Enquête sur une chimère du nationalisme français », de Fabrice Dhume – CONTRETEMPS
    https://www.contretemps.eu/communautarisme-chimere-dhume

    Communautarisme[1]… Dans la langue française, ce mot est un néologisme. Il n’existait quasiment pas il y a encore trente ans. Et pourtant, chacune ou chacun a sans doute le sentiment de savoir de quoi il retourne, car ce mot s’impose aujourd’hui comme s’il s’agissait d’une évidence. Dans les discours politiques, dans les médias ou encore dans la littérature grise prolifère l’idée que «  les fractures communautaristes […], chaque jour davantage, paraissent fragmenter la société française  »[2]. Et d’aucuns de prétendre en conséquence dresser un «  état des lieux en France [d]es tentations communautaristes  », pour immédiatement préciser qu’en fait, «  en France, le phénomène communautariste occupe indiscutablement un espace médiatique exagéré à l’aune de son épaisseur réelle dans la société  »[3]. Alors quoi : l’on joue à se faire peur ?

    L’écart entre la dramatisation rhétorique et la minimisation pratique est une constante de ce discours. De réalité factuelle il n’y a guère, ou alors rien qui ressemble à ce que le mot semble désigner, mais le discours apeuré ou effrayant, lui, est néanmoins incessant. Communautarisme a d’abord pour réalité (et peut-être pour unique réalité ?) d’être un discours qui annonce un scénario-catastrophe en affirmant l’urgence de réagir ou en déplorant qu’il soit déjà trop tard. Aussi, si l’on veut être conséquent, s’intéresser au communautarisme, c’est se pencher ni plus ni moins sur les discours qui utilisent et ce faisant légitiment cette catégorie, comme sous l’effet d’une impérative nécessité de l’ère du temps. Que veut dire que l’on fasse de communautarisme un motif si central des discours publics ? Que se joue-t-il plus largement dans la circulation et la diffusion de ce terme de peur dans le langage politique contemporain ? De quoi communautarisme est-il réellement le nom ?