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    Conseils pour se saouler la gueule et boire un café*
    3 novembre 2016Science

    Paru dans Charlie y a pas longtemps

    Mes amis soulographes, c’est la fête. Je me demande parfois combien d’hectolitres de vin rouge j’ai déjà ingurgités dans ma vie. Et je me souviens avec attendrissement du Mogana de ma jeunesse, quand je travaillais comme apprenti-chaudronnier à Montreuil. Le Mogana était un tueur en série qui titrait peut-être 13 degrés, et qui assommait d’un coup sec juste au moment où il fallait écraser son clope et aider le vieux polisseur Socrate – je n’invente rien, il était Macédonien – à passer un comptoir en cuivre rouge au blanc d’Espagne.

    C’est la fête, car une étude réalisée par trois savants – Olivier Gerbaud, Magalie Delmas et Jinghui Lim, publiée dans la revue Journal of Wine Economics (1) montre que les vins bios ont bien meilleur goût que ceux enrichis aux pesticides. Les auteurs ont travaillé sur une méta-analyse de 74 148 vins – conventionnels comme bio – produits en Californie entre 1998 et 2009. Au travers de notes de qualité parues dans trois revues à peu près indiscutables, Wine Advocate, Wine Spectator, et The Wine Enthusiast.

    Sur une échelle de 50 à 100, les vins bio obtiennent en moyenne une note supérieure de 4 points. Le drame est que la majorité des vignerons californiens bio reproduisent eux-mêmes les préjugés sur leur propre méthode et préfèrent ne pas afficher de label sur leurs étiquettes. Car voilà bien le fond de l’affaire : les soi-disant esthètes du vin vont répétant depuis de longues années que le vin bio est forcément une piquette, et qu’un un bon vieux bordeaux au bromophos vaut mieux qu’un vin élevé en biodynamie.

    En France, le vignoble ne représente que moins de 4% de la surface agricole, mais consomme 20% des pesticides. Tout est donc pourave, sauf qu’une évaluation préliminaire portant sur les notes du Gault et Millau indique la même tendance chez nous qu’en Californie. Buvons du vin bio, jusqu’à l’ivresse, car il est bon, et oublions Emmanuel Macron.

    D’un autre côté, le café se fait la malle. Ce n’est pas le moment que je raconte la récolte du café au-dessus de Matagalpa, avec mon copain Mogens, quand on se tapait du riz et des frijoles dès 5 heures du matin. Quand le fruit est prêt à être cueilli au bout des longs doigts des branches, c’est une drupe, les amis. Une sorte d’olive rouge qu’il faut caresser comme on le ferait d’une joue, car autrement, on nique la récolte suivante en torturant les rameaux et branchettes. Je m’égare.

    Le café. Une étude infernale du Climate Institute australien assure que d’ici 2050 – les vieux s’en foutent, c’est vrai – la production de café pourrait être divisée par deux. À cause de l’augmentation de la température et de l’apparition de nouveaux ravageurs des récoltes, comme les champignons. Notez que c’est déjà la merde partout. La rouille du caféier a foutu au chômage 350 000 paysans d’Amérique centrale en 2012. En Colombie, le même champignon a été découvert dans les montagnes où pousse le café, là où il ne pouvait survivre auparavant. En Afrique, le scolyte des grains de café – un coléoptère vorace – ne cesse de gagner du terrain en Tanzanie, où 2,4 millions de paysans vivent du caoua. Et il est retrouvé sur le Kilimandjaro, 300 mètres plus haut qu’il y a un siècle.

    Ce n’est pas fini, car l’étude australienne prévoit même qu’en 2080, il pourrait bien ne plus y avoir de café du tout. Du moins dans ses territoires actuels. Les 120 millions d’humains qui dépendent du café pour vivre n’auront qu’à passer au pop corn. Un conseil d’ami : tenter le Grand Ouest français. On trouve des maisons à bon prix au cap Sizun, près de la pointe du Raz, et c’est un bel endroit pour se saouler. Ceux qui seront encore là dans 60 ans – moi le premier – peuvent espérer y cultiver leur pif et leur café (disons sur les monts d’Arrée). Garanti sur facture.

    (1) Does Organic Wine taste better ? An Analysis of Experts’ Ratings.