Philippe De Jonckheere

(1964 - 2064)

  • J – 175 : Les Hommes du président. All the Presidents men d’Alan Pakula. Ciné-club au Kosmos à Fontenay, mais sans le débat, désistement de je ne sais plus quelle personne de l’équipe d’ Acrimed . Et c’est bien dommage quand même cette absence de débat.

    Les Hommes du président , vous savez c’est ce film dans lequel on voit, presque exclusivement, deux journalistes pendus au téléphone les pieds sur la table, des types hyper cools , pensez Robert Redford, du temps de sa superbe, quand il n’avait pas l’air d’un con en courtisant des personnages féminins qui ont quarante ans de moins que lui et Dustin Hoffman, l’énervé de service qui fume clope sur clope, oui, l’histoire se passe à une époque où l’on fume dans les ascenseurs et où on cherche des numéros de téléphone dans le local des bottins. Bref c’est du journalisme à l’ancienne, la seule, la vraie, sans internet qui est venu tout pervertir, les journalistes prennent des notes sur des bloc-notes, entourent des numéros de téléphone qu’ils ponctuent d’un point d’exclamation, font des petits dessins en marge de ces notes désordres en prenant des airs pénétrés, vont de porte en portes pour demander des renseignements, montent dans les tours pour convaincre la direction du journal qu’ils tiennent le scoop du siècle, mais réaction froide du directeur, Coco tu n’as rien avec ça , trois coups de feutre rouge et tu repars à zéro — amusant de reconnaître Jason Robards peu de temps après l’avoir vu également au ciné-club, mais cette fois dans Il était une fois dans l’Ouest . C’est aussi un journalisme des preuves minces, certes on protège ses sources mais on prend pour argent comptant ce qu’elles laissent filer, un journalisme dans lequel la crainte de poursuites judiciaires en diffamation, entre autres, n’est qu’un nuage lointain, les sources disent nécessairement vrai, on publie et on voit comment la partie adverse réagit, éventuellement on publie des démentis.

    Vous l’aurez compris, je reproche à ce film de dater, pas tant pour ce qu’il raconte, qui est avéré dans les grandes lignes, plus pour une certaine manière aussi de faire des films à propos du journalisme, de cette façon faussement hagiographique, deux hommes sont apparemment les seuls justiciers à enquêter sur le scandale politique du siècle dernier, le Watergate , comme souvent deux flics négligés par leur hiérarchie et qui combattent courageusement la pègre toute entière ou je ne sais quel baron du crime qui se trouve être une personne très en vue politiquement et qui a nécessairement le bras long à l’intérieur même de leur hiérarchie. Je me demande combien de kilomètres de pellicule ont été exposés pour nous raconter des histoires qui sont entièrement à la gloire de l’action policière - les policiers ces grands hommes altruistes, protect and serve, pensez- , et tellement peu, au point que je n’ai pas nécessairement d’exemple en tête - ce qui n’est la preuve de rien -, de ses actions moins glorieuses, violentes, corrompues et racistes.

    Les Hommes du président sont au journalisme ce que le film policier est à la police, une hagiographie trompeuse et, dans le cas présent, passéiste - on fume jusque dans les ascenseurs.

    Et je regrette vraiment que les personnes invitées, de l’association Acrimed ,ne soient pas venues finalement pour animer un débat après cette projection, notamment sur le sujet d’un journalisme plus contemporain, celui qui désormais s’exerce, pour la partie investigation, derrière un écran connecté à internet, et pour la partie financière au sein d’un grand groupe financier aux intérêts multiples et se recouvrant souvent parfaitement. Et où on fume comme des pompiers dans l’open space .

    Exercice #29 de Henry Carroll : Re-photographiez une photographie pour en changer le sens.

    #qui_ca