CQFD

Mensuel de critique et d’expérimentations sociales

  • Quand les cognes en prennent pour leur grade
    par Emilien Bernard
    paru dans CQFD n°149 (décembre 2016)
    http://cqfd-journal.org/Quand-les-cognes-en-prennent-pour

    Pour l’heure, le verdict n’est pas tombé. Il ne sera connu que le 16 décembre. Les trois cow-boys – Patrice Le Gall, Mickaël Gallet et Julien Vanderbergh –, qui ont sévi le 8 juillet 2009 écoperont peut-être d’une peine correspondant aux réquisitions du procureur : prison avec sursis assortie d’une radiation professionnelle et d’une d’interdiction de port d’arme. Il se peut également qu’ils soient relaxés, comme l’a réclamé l’effrayant avocat Franck Liénard, soudard des prétoires pathologiquement obsédé par la notion d’ordre [1]. Difficile de savoir si « justice » sera faite. Ou si l’impunité policière (celle qui selon Irène Terrel, avocate des parties civiles, « fabrique des monstres »), sera encore une fois de mise.

    Peu importe, au fond. Car l’essentiel est ailleurs. Pendant ces cinq jours de procès au Tribunal correctionnel de Bobigny, la donne s’est inversée : pour une fois, les victimes de violences policières ont pu donner leur version. Longuement. En détail. Et les flics – accusés comme soutiens – ont dû faire profil bas tandis qu’ils se voyaient signifier le mépris que leurs méthodes inspirent – à Montreuil comme ailleurs. Un grand bol d’air. Surtout après sept longues années d’attente.

    #Montreuil #FlashBall #Proces_Police #ACAB #8_Juillet

    • Si ces cinq jours ont marqué une étape symbolique dans la lutte contre les violences policières, cela reste un embryon, un cas à part. « Aujourd’hui, vous jugez une affaire, s’emporte Farid El Yamni, mais combien sont enterrées ? Combien de vies brisées ? De gens qui deviennent fous ? »

      Jeudi 24 novembre, au sortir de l’audience, Ali Alexis prononce un court discours sur le parvis du tribunal. Lui a été éborgné par un tir de flash-ball en 1999, alors qu’il revenait du supermarché, sachets de course à la main. Cela fait dix-sept ans qu’il essaye de porter son cas devant la justice, en pure perte. Il a pourtant tous les documents nécessaires, dit-il d’une voix triste, avant de sortir des dizaines de photocopies d’une pochette fatiguée. « Je n’ai jamais pu avoir de vraie confrontation avec la police, se lamente-t-il. Ils refusent de prendre en compte ce que j’ai subi, ont classé ma plainte sans suite. » Une pause. « Je ne comprends pas pourquoi ils visent toujours les yeux. »