Sur la nature sauvage des enfants & « Scolariser le monde » (par Carol Black) â Le Partage
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Au dĂ©but du 20Ăšme siĂšcle, les thĂ©oriciens de lâ#Ă©ducation Ă©taient assez transparents sur le fait quâils concevaient des #Ă©coles en vue dâadapter les #enfants au nouvel ordre industriel. Ces #pĂ©dagogues soutenaient que les enfants devaient perdre leur nature sauvage « primitive » et dĂ©velopper des maniĂšres « civilisĂ©es » telles que la ponctualitĂ©, lâobĂ©issance, lâordre et lâefficacitĂ©. En 1898, Elwood P. Cubberley, doyen de LâĂ©cole dâ#enseignement et Ă©ducation Ă lâUniversitĂ© de Stanford, dĂ©clare que :
« Nos Ă©coles sont, dans un sens, des #usines, dans lesquelles les matĂ©riaux bruts â les enfants â doivent ĂȘtre façonnĂ©s en produits⊠Les caractĂ©ristiques de fabrication rĂ©pondent aux exigences de la #civilisation du 20Ăšme siĂšcle, et il appartient Ă lâĂ©cole de produire des Ă©lĂšves selon ses besoins spĂ©cifiques. »
Dans les esprits de ces architectes de lâĂ©ducation moderne, « LâEnfant », « Le Sauvage » et « La Nature » Ă©taient des concepts Ă©quivalents ; ils reprĂ©sentaient tous quelque chose dâintrinsĂšquement dĂ©viant, bestial, informe. « La Nature », affirme William Torrey Harris, Commissaire Ă lâEducation de 1889 Ă 1906 aux Etats-Unis, est « lâexact antithĂšse » de la « nature de lâhomme dâesprit ». Il prĂ©cise :
« Hors de lâĂ©tat sauvage, lâhomme sâĂ©lĂšve en se crĂ©ant de nouvelles natures, les unes sur les autres ; il matĂ©rialise ses idĂ©es en institutions, et trouve dans ces mondes idĂ©aux sa demeure rĂ©elle et sa vraie nature. »
Lâobjet de lâĂ©cole, en dâautres termes, Ă©tait dâĂ©lever les enfants hors de leur Ă©tat naturel (qui Ă©tait, du point de vue de M. Harris, « totalement vicieux ») et de les entraĂźner Ă prendre leur place dans le grand projet humain de « #subordination du monde matĂ©riel Ă son usage ». Comme lâexplique Harris, « On classait les nations et les peuples du monde⊠selon le degrĂ© auquel ils avaient achevĂ© cet idĂ©al de lâhumanitĂ© ». Les cultures qui ne voyaient pas les choses ainsi Ă©taient confrontĂ©es Ă un choix : « adopter notre culture et devenir intellectuellement productives ou disparaĂźtre. VoilĂ le jugement prononcĂ© par les Anglo-Saxons sur les races infĂ©rieures ».
Nous avons oubliĂ© quâil sâagissait de la vocation initiale (de la raison dâĂȘtre) des institutions-usines dans lesquelles la plupart dâentre nous avons grandi ; nous parlons de notre expĂ©rience personnelle de lâĂ©cole comme sâil sâagissait dâune composante naturelle, dâun Ă©lĂ©ment naturel et essentiel de lâenfance humaine, et non pas de ce quâelle est rĂ©ellement : une expĂ©rience extrĂȘmement rĂ©cente dâingĂ©nierie sociale menĂ©e Ă grande Ă©chelle. Mais le passĂ©, comme lâa brillamment exprimĂ© Faulkner, nâest jamais mort ; il nâest pas mĂȘme passĂ©. Ces objectifs originels, comme John Taylor Gatto le souligne, ont Ă©tĂ© imbriquĂ©s avec tant dâefficacitĂ© dans la structure de lâenseignement moderne â avec ses systĂšmes sous-jacents de confinement, de contrĂŽle, de standardisation, dâĂ©valuation et de poliçage â quâils sâaccomplissent aujourdâhui sans mĂȘme que nous en ayons conscience et sans notre consentement.