CQFD

Mensuel de critique et d’expérimentations sociales

  • « Partir du petit bout de la lutte »
    Entretien avec Julie, membre de ReAct-Paris

    par Alexane Brochard & Ferdinand Cazalis, illustré par Benoit Guillaume
    paru dans CQFD n°149 (décembre 2016)
    http://cqfd-journal.org/Partir-du-petit-bout-de-la-lutte

    Qu’est-ce que le ReAct ?
    C’est une petite association qui s’est créée à Grenoble en 2011 autour de quelques militants, avec l’idée que beaucoup d’injustices sociales et environnementales reposent sur le pouvoir excessif et croissant des multinationales. D’où l’envie d’un réseau transnational d’intervention, en développant des réseaux militants en vue d’actions directes coordonnées contre des multinationales ciblées. L’association s’est alors mise en route autour d’un projet en particulier : une rencontre en 2011 avec des paysans camerounais qui se sont fait voler leur terre par les entreprises de Bolloré, très implantées sur le continent africain. Ils étaient complètement démunis face à une entreprise basée en France, mais qui a ses plantations d’huile de palme au Cameroun. Le travail du ReAct a été alors de mettre en lien les riverains camerounais de Bolloré avec ceux du Libéria, de Sierra Leone, ou du Cambodge, victimes des mêmes exactions.
    En 2013-14, en même temps que des actions coordonnées dans plusieurs pays, des membres des diasporas camerounaises, ivoiriennes, cambodgiennes vivant en France se sont invités à la tour Bolloré, le jour de l’AG du groupe. Munis de bêches, de râteaux, de pioches, ils ont jardiné la pelouse en disant : « On n’a plus de terres disponibles dans notre pays, alors on vient planter le manioc sur votre pelouse, M. Bolloré. » Au même moment, ils étaient des centaines à occuper les terres et bloquer les usines au Cameroun, au Liberia, au Cambodge et en Côte d’Ivoire. Vincent Bolloré a finalement accepté une négociation internationale avec des représentants de chaque pays en novembre 2014. Des engagements ont été pris, les avancées sur le terrain sont notables (rétrocession de parcelles, compensations pour les terres accaparées, arrêt des pollutions des eaux), mais la lutte est encore loin d’être gagnée et les actions se sont multipliées en 2015-16 pour pousser la multinationale à aller plus loin.
    Dans notre jargon, les militants du ReAct ne sont pas les « leaders » de la mobilisation, mais les « organisateurs ». La différence est importante. Les organisateurs ne portent pas la colère : ils sont plus distants de l’objet de la lutte, ont le temps de faire ce travail d’organisation, et sont parfois payés comme permanents. Les leaders, eux, subissent la domination. Ils vont partir de leur colère pour construire leurs revendications, avec toutes les personnes concernées et prêtes à s’engager.

    #Community_Organizing #React #Organisation