Reka

géographe cartographe information designer - rêveur utopiste et partageur de savoirs

  • « Les femmes ont pour injonction de ne pas prendre trop de place » | jef klak

    http://jefklak.org/?p=3373

    Ne ratez pas ce super entretien où @mona raconte un peu de chez soi et un peu de beauté fatale. Comme d’hab très bien. On s’y retrouve parfois dans certains portraits

    Je cite l’exemple d’une ouvrière qui a l’impression que les chefs font exprès de fractionner son temps de congé et de loisir, de sorte qu’elle n’a jamais plusieurs jours de repos d’affilée. Dès lors, le peu de temps passé à la maison ne peut être que consacré à faire les vitres ou aux lessives en retard. C’est une course permanente qui ne laisse jamais de vrai temps à soi. J’ai lu dernièrement le témoignage d’une esthéticienne qui louait son appartement pour n’y passer que son temps de sommeil, tellement ses amplitudes horaires de travail étaient grandes. Comment développer un lien avec le lieu où l’on vit dans de telles conditions ?

    Cela dit, penser le foyer comme émancipateur semble aussi difficile pour les classes moyennes ou supérieures. Dans pas mal de foyers riches, la maison n’est pas vraiment habitée.

    • Oui merci @mona

      En tant que femme, on est toujours encouragée à se demander comment on est perçue, de quoi on a l’air, si on est désirée ou pas, et pas tellement ce qu’on désire soi-même, ce qu’on pense, comment on juge les autres… Ce déséquilibre-là est ravageur, il nous fragilise terriblement. On se laisse ballotter au gré du regard et du jugement des autres au lieu de se demander de quoi on a envie et de s’affirmer en tant que sujet. L’enjeu derrière la beauté est là : dans le déséquilibre entre la dimension d’objet et la dimension de sujet. Ce déséquilibre est évident dans la culture et dans l’art. Aux États-Unis, le groupe d’artistes féministes Guérilla Girls dénonce le sexisme à l’œuvre dans les musées en montrant le décalage entre la faible représentation de femmes artistes exposantes et à l’inverse la surreprésentation de femmes nues exposées. Les femmes ne sont pas incitées à développer leur vision du monde et à s’affirmer ou à développer leur personnalité, mais à se constituer comme des objets d’agrément, un peu décoratifs.

      #male_gaze

      Les garçons sont aussi élevés pour se conformer à un modèle, mais c’est un modèle de force – et ils souffrent quand ils ne correspondent pas à ce critère (lorsqu’ils sont chétifs ou vulnérables, par exemple). Ce qu’on apprend aux filles, c’est à être en position de faiblesse.

    • Merci beaucoup à vous !

      Je regrette un peu de ne pas avoir précisé un truc, à propos de l’idée que dénoncer les normes reviendrait à exercer soi-même une tyrannie : c’est que ces normes, en plus d’être beaucoup plus puissantes que nos critiques, ne sont pas innocentes, elles ne sont pas choisies arbitrairement ("tiens, on va dire que c’est bien d’être maigre, plutôt que de dire que c’est bien d’être grosse"). Il y a le plus souvent beaucoup de violence et de haine derrière elles. Les seins siliconés, c’est l’idée qu’on doit se façonner en fonction du regard masculin (ou de ce qu’on en imagine), faire passer l’image qu’on donne avant ce qu’on ressent (perte de la sensibilité des tétons), souffrir dans sa chair pour être jugée belle et digne d’être aimée. La minceur, c’est l’injonction à disparaître. Je suis sidérée quand la dénonciation de la maigreur imposée est assimilée à du « body shaming » (ce que j’entends de plus en plus souvent), je trouve ça désespérant. Il y a un refus d’analyse qui se fait passer pour de l’orthodoxie féministe. Ça ne veut évidemment pas dire que les femmes minces, ou maigres, ou anorexiques, sont complices de cette oppression (quelle horreur), mais si on s’interdit de dénoncer ce modèle, on est mal barrées.