• L’assassinat des femmes comme politique sexuelle

    par Andrea Dworkin, auteure et militante féministe, en commémoration de la tuerie de Montréal en 1989 par Marc Lépine
    "Le 6 décembre 1990, à l’invitation de féministes de Montréal, Andrea Dworkin vient commémorer devant 500 personnes le massacre des 14 femmes de l’École Polytechnique par un antiféministe.

    Voici de larges extraits de son allocution qu’on retrouvera intégralement au chapitre 2 de Pouvoir et violence sexiste, un livre qui rassemble cinq textes d’Andrea Dworkin traduits en français.

    Il est très difficile de penser à une façon appropriée d’exprimer le deuil, mais nous savons que les larmes ne suffisent pas. Nous savons comment pleurer. La vraie question est : Comment allons-nous nous défendre ?

    Nous aurions pu vouloir revendiquer les bienfaits du féminisme libéral. Nous aurions pu vouloir dire : « Regardez-nous - ne sommes-nous pas merveilleuses ? Savez-vous combien il y a de femmes aujourd’hui dans les facultés de droit ? Savez-vous combien il y a de travailleuses sur les sites de construction ? » Bon, il n’y en a pas suffisamment. Mais depuis un an, depuis que ces quatorze femmes ont été assassinées, les féministes ne peuvent se dresser avec quelque fierté et dire : « Regardez ce que nous avons fait. » Nous nous dressons avec détresse, avec terreur et avec colère, sans crédit à revendiquer pour le féminisme libéral. Nous voulons dire : « Elles étaient dans cette école à cause de nous. C’est nous qui avons abattu les obstacles. » C’est maintenant une épée à deux tranchants. Oui, elles y étaient à cause de nous ; oui, nous avons abattu les obstacles. Et cet homme - cet homme qui n’était pas fou, qui était politique dans sa pensée et dans son geste - a compris ce que signifiait la chute de ces obstacles et il a commis un geste politique pour nous faire battre en retraite, pour que de nouveaux obstacles puissent être bâtis et pour que les femmes n’aient pas le coeur ou le courage ou la patience ou l’endurance de continuer à abattre des obstacles."
    http://sisyphe.org/spip.php?article2720