Éric Sadin : « La start-up est le consensus social-libéral de notre époque » | L’Humanité
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Le philosophe Éric Sadin est depuis une quinzaine d’années l’un des observateurs les plus critiques des conséquences du numérique sur notre société, et de la vision du monde qui en découle. Entretien.
Pourquoi cette glorification des start-up et des jeunes entrepreneurs ?
Éric Sadin Cela vient du mythe du garage. De ces ingénieurs qui s’affranchissaient d’une forme d’autorité et qui s’inscrivaient dans la prise de risque, l’audace et l’aventure technologique. Les deux grandes figures sont Steve Jobs et Steve Wozniak qui, dans les années 1970, ont fondé Apple. Depuis dix ans, ce mythe du garage est devenu celui de la start-up. L’audace entrepreneuriale est désormais accessible au commun des mortels. Cela induit un nouvel horizon du capitalisme qui permet à tout le monde de s’y raccorder. Du start-uppeur qui a une idée, au codeur, au « collaborateur créatif » ou encore à l’autoentrepreneur « indépendant ». Chacun peut devenir milliardaire, comme le promeut Macron. Ce mythe est récupéré et célébré par quasiment tous les bords politiques, car tout le monde peut y piocher des arguments. En cela, la start-up incarne le consensus social-libéral de notre temps. Elle est aussi glorifiée comme célébration de la jeunesse ; la start-up permet d’offrir une cure de jouvence au capitalisme. Mais le développement des start-up ne consiste souvent qu’à trouver des moyens de collecter des données relatives à chaque séquence de notre existence, avec des applications et des capteurs que l’on veut placer partout : sur les biberons, les balances, les miroirs, les vêtements connectés… Dans le but de monétiser tous les champs de la vie. Et tout cela est considéré par la société comme un modèle bienvenu, qui va nous guérir de tous nos maux, sans en saisir les conséquences. Comment un tel aveuglement est-il possible ?
#start_up #capitalisme #monétisation (à tous les étages)