enuncombatdouteux

NI ACTUALITÉS NI COMMENTAIRES, ..... DU COPIER-COLLER ET DES LIENS... Un blog de « curation de contenu » : 82 LIVRES , 171 TEXTES et 34 DOCUMENTAIRES :

  • Alerte sur les microalgues toxiques

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/01/02/alerte-sur-les-microalgues-toxiques_5056566_1650684.html

    Morts en masse de saumons, de sardines, de baleines, de coquillages et marées rouges à répétition : le Chili a connu une succession de catastrophes en 2016 dues à des microalgues toxiques. Leur prolifération tend à devenir plus fréquente, plus dense, et à s’étendre en mer ainsi que dans les plans d’eau douce. Avec la Société internationale pour l’étude des algues nuisibles, la Commission océanographique intergouvernementale de l’Unesco a publié un inquiétant état des lieux.

    A priori invisibles à l’œil nu, les microalgues sont composées d’organismes marins unicellulaires de 20 à 50 microns à peine. Mais leur concentration est parfois si dense que leur biomasse teinte l’eau en rouge franc, dessine des traces bleues ou brunes observables sur les images satellitaires. Ces phénomènes d’efflorescences (blooms en anglais) ont des effets redoutables. Les micro­algues peuvent décimer des stocks de poissons sauvages et ruiner les élevages conchylicoles, attaquer le système neurologique des oiseaux de mer ou le caractère imperméable de leurs plumes, intoxiquer homards, tortues de mer, dauphins, phoques, et même entraîner l’échouage de baleines. Elles sont aussi responsables de pathologies chez les humains, parfois létales.

    Quatre chercheurs de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) – Patrick Lassus, Nicolas Chomérat, Philipp Hess et Elizabeth Nézan –, biologistes marins et chimistes, ont compilé des milliers d’études et de rapports, répertoriés les principaux événements de toxicité majeure survenus dans le monde pour produire l’inventaire de l’évolution de ces floraisons au cours des trente dernières années. « Nous avons souhaité profiter des savoirs acquis pendant quatre décennies par le docteur Patrick Lassus et réaliser une mise à jour pour informer les gouvernements et les acteurs socioéconomiques », résume Philipp Hess, chercheur au laboratoire Phycotoxines du centre Ifremer de Nantes.

    Leur ouvrage bilingue, Microalgues toxiques et nuisibles de l’océan mondial (Guides et manuels de la commission océanographique intergouvernementale, n° 68, 523 p., 37 euros), recense des données identifiant 174 algues nuisibles autour du globe, dont 100 produisent des toxines susceptibles d’entraîner, chez les humains, diarrhées, réactions cutanées, amnésie, paralysie… Certains de ces dinoflagellés et diatomées néfastes épargnent l’homme, mais mettent en danger à la fois la faune et la flore marines en se concentrant si intensément qu’ils réduisent l’oxygène dans l’eau. D’autres encore obligent à interrompre la production d’eau potable dans les usines de dessalement, à fermer des plages…

    Troubles respiratoires

    Dès le début du XXe siècle, les taxinomistes avaient répertorié un grand nombre d’algues microscopiques. « Nous disposons de longues séries de données sur certaines espèces, comme Karenia ­brevis, qui est suivie sur les côtes de Floride depuis 1848, rapporte Philipp Hess. Ce dinoflagellé peut à la fois contaminer des coquillages puis ceux qui vont les manger et susciter par aérosol des maux de gorge, des crises d’asthme ou d’eczéma chez les gens sur le rivage… »

    Las, les scientifiques soupçonnent une probable amplification de ces blooms. Pour certaines parties du monde, ils en sont sûrs. « Dans la rade de Brest, avant le début des années 1990 nous n’avions observé que quelques cellules d’Alexandrium minutum contenues dans des sédiments, témoigne le chercheur. Puis il y a eu un grand bloom en 2012. » Depuis, les concentrations de ce phytoplancton potentiellement paralysant sont devenues récurrentes.

    De son côté, l’ouest de la Méditerranée connaît une forte augmentation d’Ostreopsis, un dinoflagellé repéré en 1972, habitué des eaux tropicales, suffisamment toxique pour susciter des états grippaux et des troubles respiratoires par inhalation des gouttelettes transportées par le vent. « En 2005, à Gênes, 200 personnes ont été contaminées, 40 ont dû être hospitalisées », souligne Philipp Hess.

    L’intoxication à la ciguatera, de funeste réputation en Polynésie et dans l’océan Indien, n’est plus l’apanage de ces régions. Les ciguatoxines produites par les micro­algues du genre Gambierdiscus atteignent désormais les îles Canaries, dans l’Atlantique. Dans le monde, elles rendent malades 25 000 à 50 000 personnes par an.

    Le réchauffement de l’océan joue probablement un rôle dans cette expansion. D’autres facteurs y contribuent : l’explosion du transport maritime et la diffusion des eaux de ballast, la construction d’infrastructures qui favorisent le confinement de l’eau et en modifient les modèles de circulation, la surpêche qui déstabilise la chaîne alimentaire, plus les rejets massifs de nitrates, phosphates et déchets en tout genre.

    « L’eutrophisation d’une baie joue toujours en faveur des microalgues, toxiques ou non », note Philipp Hess. Il souligne les progrès constatés là où des efforts sont réalisés pour traiter les eaux usées. S’il espère voir leur travail servir d’alerte, il attend aussi que cette publication incite les experts du monde entier à mettre en commun leurs bases de données.