lundimatin

lundimatin paraît toutes les semaines.

    • https://youtu.be/Zf052uxFF58

      Essayons maintenant de raconter une courte fable, qui commence comme un conte cruel. Le monde dans lequel nous vivons mériterait chaque jour d’être anéanti, et pourtant chaque matin, nous nous réveillons, quelquefois en poussant un soupir de soulagement, d’autres fois en nous demandant pourquoi, comment est-il possible que cette horrible civilisation soit encore là ? En réalité, ce monde a hors de lui, à côté et en lui, de nombreux autres mondes et quand l’un d’eux est sauvé, presque toujours sans qu’on en ait l’intention, à cause d’un simple geste, il arrive que par contact tous les autres aussi le soient, et le monde qui mérite d’être détruit survit lui aussi. Soit parce que les autres mondes sont trop faibles pour le destituer définitivement, soit parce que ce monde, qui est évidemment celui du capital, possède une aptitude particulière à se nourrir comme un parasite de l’énergie libérée par les autres mondes. Parce que la vérité est que le monde du capital n’est qu’un parmi les mondes, hégémonique mais pris dans une configuration anarchique d’un monde de mondes. Chaque jour, le monde est sauvé par un ou plusieurs gestes, de beauté, de partage, de destruction, d’amour, de gratuité ou de compassion : la seule différence qui peut subsister entre ces gestes - la différence est mince, mais décisive - réside dans la conscience, ou pas, de l’effet que ce geste déterminé a ou aura sur le monde et sur l’ampleur de la diffusion de cette conscience, partagée voire même organisée. C’est cet éclair de conscience qui nous conforte dans l’idée que nous vivons dans ce monde, mais que nous ne sommes pas de ce monde.

      Le communisme, c’est beaucoup de choses, mais parmi celles-ci, il y en a au moins une qui a trait à cette fable. Le communisme consiste en fait aussi dans la discipline de l’attention aux modifications du monde, dans le fait de développer une conscience des gestes qui le sauvent, dans la sensibilité aux œuvres et aux jours accomplis par et pour la justice, dans l’art de leur partage, dans la magie de leur composition. Plus est profonde la conscience, plus ample est le partage, et plus en est affaibli ce monde horrible.