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NI ACTUALITÉS NI COMMENTAIRES, ..... DU COPIER-COLLER ET DES LIENS... Un blog de « curation de contenu » : 82 LIVRES , 171 TEXTES et 34 DOCUMENTAIRES :

  • Cannabusiness, la menace Trump

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/01/28/cannabusiness-la-menace-trump_5070505_3234.html

    Avec une croissance de 30 % en 2016, le secteur de la marijuana attire les convoitises. Mais l’élection de Donald Trump, dont les intentions ne sont pas claires, a fait l’effet d’une douche froide pour les « ganjapreneurs ».

    Quoi de plus banal, dans la baie de San Francisco, qu’un accélérateur de start-up ? Gateway Incubator, installé près de la place Jack London à Oakland (Californie), a tous les attributs des jeunes entreprises technologiques : architecture déstructurée, mobilier de hangar, et, en cette soirée de fin janvier, séance de networking autour d’un verre de vin ou d’un soda basses calories.

    Gateway n’est pourtant pas une compagnie tout à fait ordinaire. L’incubateur est spécialisé dans le « cannabusiness », le commerce de la marijuana, désormais légal en Californie, comme dans huit autres Etats. Premier du genre dans le Golden State, il offre 30 000 dollars (28 068 euros) et un espace bureau à une dizaine de start-up en échange de 6 % de leur capital. Lancé fin 2015, il est financé par Marijuana Investment Corporation, une holding de Los Angeles.

    Diversité des acteurs

    Entrepreneurs, lobbystes, agents immobiliers… L’assemblée reflète la diversité des acteurs du nouveau secteur économique qu’est, aux Etats-Unis, la culture et la distribution de la marijuana.
    Fini l’époque des « stoners » (les fumeurs). Les participants ont tous l’air de sortir d’un conseil d’administration. Sur les conseils des cabinets de marketing, plus personne n’emploie les termes « pot » ou « ganja », trop connotés « hippie ».

    On ne parle que de « cannabis ». Et de chiffre d’affaires : 6,7 milliards de dollars de ventes en 2016 sur l’Amérique du Nord, selon le cabinet ArcView market research, qui publie, début février, la cinquième édition de son rapport annuel sur l’économie du cannabis. Une croissance record de 30 %, soit plus que celle du high-tech dans les années 1990, à l’époque de la folie dot.com (22 %).

    La Californie n’a encore finalisé ni la réglementation ni le montant des taxes pour la vente libre fixée au 1er janvier 2018.
    Parmi les présents à la réunion de Gateway, le médecin Perry Solomon. Il a abandonné son activité d’anesthésiste hospitalier pour fonder, en 2015, HelloMD, une plate-forme où une trentaine de praticiens assurent des consultations en ligne : les patients n’ont pas besoin de se déplacer. En 2016, le site a émis 65 000 autorisations de délivrer de la marijuana.

    A ses côtés, Jeremy Turner, 38 ans. Jusqu’ici, il investissait dans les matières premières et dans les déchets. Depuis la légalisation, il a décidé de tenter la marijuana, malgré le risque : à moins d’un an de la date fixée pour le début de la vente libre, le 1er janvier 2018, la Californie n’a encore finalisé ni la réglementation ni le montant des taxes. « C’est un investissement attirant, explique-t-il. Les gens ne voient plus ça comme une blague ou un crime mais comme quelque chose de cool. »

    Wall Street a entrouvert la porte

    La marijuana est devenue « mainstream » aux Etats-Unis. Ce sont maintenant vingt-huit Etats et le district de Columbia, le siège de la capitale fédérale, qui tolèrent l’usage du cannabis à des fins médicales ou récréatives.

    Légalement, la marijuana continue à être inscrite au tableau 1 des substances contrôlées, et donc interdite au regard de la législation fédérale. Mais un Américain sur cinq vit désormais dans un Etat qui a mis fin à la prohibition.

    Si le secteur bancaire continue à bouder les « ganjapreneurs », ce qui les oblige à louvoyer entre les établissements locaux de crédit, Wall Street a entrouvert la porte. Plusieurs sociétés sont cotées en Bourse, comme MassRoots, le Facebook de la marijuana (qui a néanmoins été rejeté par le Nasdaq). Il ne s’agit cependant pas d’entreprises qui « touchent à la plante » – l’expression consacrée pour faire la différence entre activités toujours illégales et les autres – mais d’entités périphériques : consulting, sécurité, biotechnologie.
    Les consommateurs réclament des « edibles » (« mangeables »), où l’agent psychoactif (le THC) est ingéré et non inhalé.
    « L’industrie est entrée dans une seconde phase, indique Benjamin Bradley, directeur pour la Californie du groupement professionnel Cannabis Industry Association. Des gens qui ont réussi ailleurs s’y intéressent. »

    Plus fort que la NFL

    Et la diversification est prometteuse. Les consommateurs d’aujourd’hui fument peu mais réclament des « edibles » (« mangeables »), où l’agent psychoactif (le THC) est ingéré et non inhalé. Cookies, boissons, produits de beauté : l’éventail des produits dérivés est sans limite.
    Les bobos californiens qui se piquaient de cultiver quelques pieds de vigne dans la Sonoma Valley se lancent dans les élixirs au cannabis. A San Francisco, la chef de cuisine Coreen Carroll a lancé des brunchs du dimanche pour « cannaisseurs » : hors-d’œuvre parfumés puis quarante-cinq minutes de yoga (150 dollars). Les célébrités ont commencé à s’engouffrer dans la brèche : le comédien Ashton Kutcher, le rappeur Snoop Dogg, l’actrice Whoopi Goldberg ou le chanteur Willie Nelson, qui produit sa « réserve ».


    Cookies à la marijuana présentés lors du Sommet du cannabis à Oakland en Californie, en juin 2016.

    Selon le cabinet ArcView, le chiffre d’affaires de la marijuana pour les Etats-Unis et le Canada pourrait atteindre 20 milliards de dollars avant 2021, soit plus que celui la National Football League (NFL), l’organisation du football américain (12 milliards de dollars en 2015).
    Selon les experts, le marché devrait aller vers la montée en gamme. Les cours sont en baisse, du fait de la légalisation ; les entrepreneurs doivent se singulariser. Soit par la qualité des produits – l’aspect de « terroir » est déjà cultivé par les producteurs de la région de Mendocino, le « triangle d’émeraude » du nord de la Californie – soit en s’associant à des grands noms, comme celui de Bob Marley, dont la famille a lancé la gamme Marley Natural.

    Un conservateur hostile à la légalisation bientôt procureur
    A court terme, les perspectives sont moins roses. L’élection de Donald Trump et, surtout, la nomination de Jeff Sessions pour le poste d’attorney général (ministre de la justice), ont fait l’effet d’une douche froide.

    Tout prometteur qu’il soit, « le secteur entier repose sur un seul mémorandum adopté par l’administration précédente », souligne Aaron Smith, le directeur de la National Cannabis Industry Association (NCIA). Ce texte, dit « Cole memo », du nom de James Cole, le numéro deux du département de la justice sous Barack Obama, a précisé en 2013 l’attitude de l’administration démocrate : pas de zèle dans les poursuites fédérales contre les Etats ayant légalisé la marijuana sauf si la drogue tombe dans les mains de mineurs, de criminels ou dérive vers les Etats où la prohibition continue de s’appliquer.

    Ce « mémo » pourrait être mis en miettes, dès son arrivée à la justice, par Jeff Sessions, un conservateur de l’Alabama, connu pour son hostilité à la légalisation. Pendant ses auditions de confirmation devant le Sénat, il est resté vague, ce qui n’a qu’à moitié rassuré les « ganjapreneurs ». « Les investissements ont ralenti, explique Benjamin Bradley, le directeur de la California Cannabis Industry Association. Les gens sont en attente. »

    Les « ganjapreneurs » ne veulent pas croire à un retour en arrière : « 60 % des membres du Congrès sont issus d’Etats à marijuana médicale », souligne Aaron Smith, qui prépare une campagne de communication sur les dizaines de milliers d’emplois créés par le cannabusiness.
    Et le libertarien Peter Thiel est de leur côté. Membre du conseil d’administration de Facebook et conseiller de Donald Trump, le désormais célèbre capital-risqueur a des parts dans Privateer, le fonds d’investissement associé aux héritiers de Bob Marley.