• Islamisme : l’aveuglement peut-il tenir lieu de lucidité ? -
    Réponse à Gilles Kepel
    Le Soir Plus
    http://plus.lesoir.be/node/80435

    Dans une interview au « Soir » en prélude à sa conférence à l’ULB du 25 janvier dernier, Gilles Kepel, spécialiste français de l’islam et du monde arabe, a tenu des propos qui ont fort surpris les scientifiques que nous sommes.

    C’est d’abord la réutilisation par M. Kepel du terme islamo-gauchiste, forgé par l’extrême droite pour discréditer l’antiracisme de gauche, et plus encore l’usage qu’il en fait pour dénoncer ses collègues qui nous ont marqués. Nous devons reconnaître que nous sommes plus familiers des discussions scientifiques que des anathèmes et que nous avons la faiblesse de penser que, même dans des domaines délicats, les premières doivent être préférées aux seconds.

    • Comprendre un contexte social

      La recherche n’a cependant pas pour vocation de conforter les angoisses ambiantes, mais de les étudier, et si nécessaire, de les remettre en question. À cet égard, on peut regretter que les crédits accordés à des thématiques sécuritaires ne constituent pas des moyens supplémentaires, mais se fassent au détriment d’autres questions qu’il nous semble tout autant urgent de comprendre si l’on veut favoriser le vivre-ensemble : la discrimination au travail, la ségrégation scolaire, l’islamophobie, etc. C’est en effet tout un contexte social qu’il importe de comprendre.

      Quoi qu’il en soit, la recherche sur les sujets chers à M. Kepel est bel et bien financée. Nous ignorons s’il s’agit là d’un résultat du combat qu’il affirme mener pour qu’une recherche se développe en ces matières. Si c’est le cas, nous regrettons qu’il n’en ait pas été averti.

      Un concept non scientifique

      Très certainement, on peut soutenir que les efforts consentis ne sont pas suffisants, mais ils existent. La thèse d’un blocage islamo-gauchiste ne nous paraît donc pas défendable. Nous croyons cependant fermement à l’avancement de la science au travers des débats entre chercheurs. Nul doute que l’un de ceux-ci sera l’occasion de clarifier nos positions réciproques et de comprendre ce que pourrait recouvrir le concept non scientifique d’islamo-gauchiste, d’une manière générale et lorsqu’elle est appliquée à une communauté scientifique diversifiée et internationale.