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  • Eric Dupin : “Au bout du raisonnement des #identitaires, il y a la #guerre civile” - Livres - TĂ©lĂ©rama.fr
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    PlongĂ©e libre dans les profondeurs de la France identitaire : pendant plusieurs mois, le journaliste et essayiste Eric Dupin est allĂ© Ă  la rencontre de militants et de responsables des mouvements identitaires, s’est entretenu avec les principales figures intellectuelles qui inspirent et relaient ces nouveaux croisĂ©s de la France blanche traditionnelle. Qui sont-ils ? Combien de divisions ? Archi minoritaires, ils ont pourtant rĂ©ussi Ă  mettre le « problĂšme » identitaire au centre du dĂ©bat #politique. Aujourd’hui, tous les partis sont traversĂ©s et divisĂ©s par cette question. Et si la gauche, s’interroge Eric Dupin, avait intĂ©rĂȘt Ă  regarder en face les difficultĂ©s que soulĂšve la mutation en cours de la population française et la crise du « vivre ensemble » ?

    • Groupusculaire et ouvertement raciste, la frange identitaire de l’extrĂȘme-droite française a rĂ©ussi Ă  imposer ses idĂ©es au cƓur du dĂ©bat politique. Le journaliste Eric Dupin a enquĂȘtĂ© sur ses origines, ses rĂ©seaux et ses perspectives.

      PlongĂ©e libre dans les profondeurs de la France identitaire : pendant plusieurs mois, le journaliste et essayiste Eric Dupin est allĂ© Ă  la rencontre de militants et de responsables des mouvements identitaires, s’est entretenu avec les principales figures intellectuelles qui inspirent et relaient ces nouveaux croisĂ©s de la France blanche traditionnelle. Qui sont-ils ? Combien de divisions ? Archi minoritaires, ils ont pourtant rĂ©ussi Ă  mettre le « problĂšme » identitaire au centre du dĂ©bat politique. Aujourd’hui, tous les partis sont traversĂ©s et divisĂ©s par cette question. Et si la gauche, s’interroge Eric Dupin, avait intĂ©rĂȘt Ă  regarder en face les difficultĂ©s que soulĂšve la mutation en cours de la population française et la crise du « vivre ensemble » ?

      Comment dĂ©finir les « identitaires » ?
      En France, cette Ă©tiquette est revendiquĂ©e par des groupes militants dont l’importance numĂ©rique est heureusement faible. C’est d’abord le Bloc identitaire, crĂ©Ă© en 2003, transformĂ© en parti politique en 2009, pour redevenir, en juillet 2016, un mouvement associatif dĂ©nommĂ© « Les Identitaires ». C’est aussi GĂ©nĂ©ration identitaire, qui a succĂ©dĂ©, en 2012, aux Jeunesses identitaires. Evidemment situĂ©s Ă  l’extrĂȘme droite, racialistes, pour ne pas dire racistes, ces groupes ont prĂ©emptĂ© l’inquiĂ©tude de certaines franges de la population bousculĂ©es par la crise et les mutations de notre sociĂ©tĂ©, et qui deviennent obsĂ©dĂ©es par la question de l’identitĂ©. TrĂšs minoritaires, les identitaires trouvent ainsi un Ă©cho qui dĂ©passe largement leurs effectifs militants.

      Quels sont ces effectifs ?
      Quelques milliers, pas plus. Quand ils organisent des manifestations, ils ont l’art de les filmer pour donner l’impression qu’ils sont trĂšs nombreux. En rĂ©alitĂ©, ils sont Ă  peine 200, venus d’un peu partout en France. On est loin d’un mouvement de masse. Mais les militants identitaires sont trĂšs dĂ©terminĂ©s, souvent bien formĂ©s politiquement, et leur influence est grandissante au sein du Front national. Mais surtout ils bĂ©nĂ©ficient de relais dans certains milieux culturels et intellectuels. Chez les journalistes, Eric Zemmour en est l’illustration la plus caricaturale, son absence de scrupules et son cĂŽtĂ© provocateur lui assurent de vrais succĂšs de librairie. Chez les intellectuels, l’écrivain Renaud Camus, ancienne figure de la scĂšne culturelle des annĂ©es 1970, bĂ©nĂ©ficie Ă©galement d’un certain Ă©cho. Il est devenu, dans son chĂąteau du Gers, une sorte de croisĂ© de la France blanche qui lui semble menacĂ©e par ce qu’il nomme « le grand remplacement » : la substitution supposĂ©e du peuple français par les populations d’origine immigrĂ©e. On pourrait Ă©galement citer Jean-Yves Le Gallou, une autre figure majeure de la mouvance identitaire. Fondateur du Club de l’Horloge, ancien dirigeant du Front national, il a thĂ©orisĂ© la fameuse « prĂ©fĂ©rence nationale », un concept devenu central dans la propagande du parti d’extrĂȘme droite, dĂ©sormais rebaptisĂ© « prioritĂ© nationale ». Alain Finkielkraut, d’une toute autre maniĂšre et qu’on ne saurait mettre dans le mĂȘme sac, exprime une inquiĂ©tude identitaire teintĂ©e de nostalgie. Le philosophe, qui finit par consacrer aujourd’hui plus d’énergie Ă  lutter contre les excĂšs de l’antiracisme que contre le racisme lui-mĂȘme, peint de maniĂšre effrayante les mutations en cours. Beaucoup de ses mise en garde sont hĂ©las parfaitement fondĂ©es mais il en tire, Ă  mon sens, des conclusions alarmistes.
      “Il est impĂ©ratif de se demander pourquoi ces gens dangereux et minoritaires ont un tel Ă©cho.”

      A la lecture de votre livre, il semble que les identitaires soient surtout des hommes, obsĂ©dĂ©s par l’idĂ©e de dĂ©cadence...
      C’est vrai que tous les militants et responsables de GĂ©nĂ©ration identitaire que j’ai rencontrĂ©s Ă©taient des hommes. MĂȘme si dans leurs vidĂ©os ils s’attachent Ă  mettre en avant des filles, sans doute pour donner Ă  leurs manifestations un visage plus avenant. Plus sĂ©rieusement, vous pointez un trait commun Ă  tous ceux qui sont hantĂ©s par les questions identitaires : la crainte d’une dĂ©cadence, d’une perte de valeurs traditionnelles, de rĂ©fĂ©rences, de repĂšres, de hiĂ©rarchies, que la modernitĂ© aurait abĂźmĂ©s. J’ai d’ailleurs sous titrĂ© mon livre « EnquĂȘte sur la rĂ©action qui vient » pour cette raison. Selon la terminologie politique, les rĂ©actionnaires sont ceux qui veulent revenir Ă  un passĂ© rĂ©volu, Ă  l’instar de ceux qui refusaient la RĂ©volution et rĂȘvaient d’une restauration de la royautĂ©. Cela dit, il faut admettre que les sociĂ©tĂ©s comme les individus ont besoin de repĂšres, d’appartenances collectives. Il est important, quand on analyse ces phĂ©nomĂšnes identitaires, de ne pas s’en tenir Ă  leur dĂ©nonciation, de ne pas se contenter de dire « ce n’est pas bien », « c’est l’extrĂȘme droite », « ce sont des gens dangereux ». Tout cela est exact. Mais il est impĂ©ratif aussi de se demander pourquoi ces gens dangereux et minoritaires ont un tel Ă©cho. N’est-ce pas en effet parce que nos appartenances collectives, qu’il s’agisse de la famille ou de la nation, sont en crise ?

      Comment la question identitaire a-t-elle peu Ă  peu envahi le dĂ©bat politique ?
      Cette question percute l’ensemble de l’échiquier politique. Elle fait l’objet de dĂ©bats internes trĂšs vifs au sein du Front national. L’égĂ©rie du courant identitaire, Marion MarĂ©chal-Le Pen, assume la vision, trĂšs classique Ă  l’extrĂȘme droite, d’une identitĂ© charnelle : le peuple, les ancĂȘtres, la terre, quand sa tante hĂ©site et se contredit sur l’assimilation ou la rĂ©fĂ©rence au « grand remplacement ». A droite, la campagne pour la primaire a mis en Ă©vidence un gouffre entre Alain JuppĂ©, parfois surnommĂ© Ali JuppĂ© en raison de sa position favorable Ă  des accommodements raisonnables avec l’islam, et Nicolas Sarkozy, qui n’hĂ©sitait pas Ă  reprendre un discours identitaire parfois plus violent encore que celui de Marine Le Pen. Quant Ă  François Fillon, qui a finalement tirĂ© les marrons du feu de cette primaire, il est sans aucun doute plus proche sur le fond de cette question de Nicolas Sarkozy que d’Alain JuppĂ©, mĂȘme si son discours est au diapason de son tempĂ©rament, portĂ© par une expression plus retenue et mesurĂ©e. La gauche enfin, est Ă©galement trĂšs divisĂ©e. Manuel Valls, qui avait Ă©tĂ© en pointe dans le dĂ©bat sur l’interdiction du « burkini », a tentĂ©, durant la primaire, de rĂ©activer ses prĂ©occupations identitaires en mettant en avant la RĂ©publique et la laĂŻcitĂ©. Alors que Vincent Peillon et BenoĂźt Hamon se sont montrĂ©s beaucoup plus proches de la gauche « multiculturaliste ». L’ennui, c’est que le dĂ©bat Ă  gauche est souvent caricatural. D’un cĂŽtĂ© ceux qui craignent de tomber dans un piĂšge en Ă©voquant ces questions et choisissent de les Ă©viter en ne les posant qu’en termes moraux. Ils les balaient d’un revers de la main au nom de l’antiracisme. Et de l’autre cĂŽtĂ© ceux qui les exagĂšrent en disant que l’islam pose un problĂšme considĂ©rable et brandissent la laĂŻcitĂ© de façon excessivement agressive. A mon sens, la gauche aurait tout Ă  gagner Ă  ne pas se voiler la face mais Ă  regarder calmement les choses.

      C’est-Ă -dire ?
      La nĂ©gation des problĂšmes et l’euphĂ©misation des difficultĂ©s offrent un boulevard aux extrĂȘmistes. La France vit un changement majeur de la composition ethnique de sa population. Et c’est un phĂ©nomĂšne nouveau. Contrairement Ă  ce qu’on dit souvent, notre pays n’a pas toujours Ă©tĂ© une terre d’immigration. Celle-ci n’est devenue un phĂ©nomĂšne massif qu’à partir du XIX° siĂšcle et l’immigration d’origine extra-europĂ©enne est encore plus rĂ©cente puisqu’elle date du milieu du XX° siĂšcle. L’immigration de masse, en France et en quelques dĂ©cennies, de populations culturellement plus Ă©loignĂ©es de la majoritĂ© de ses habitants que ne l’étaient les prĂ©cĂ©dentes est un phĂ©nomĂšne nouveau. Est-ce un drame ? Bien sĂ»r que non. La question ne se pose pas en termes raciaux, comme le font les tenants du « grand remplacement » qui prĂ©supposent que les populations extra-europĂ©ennes, d’une autre culture, d’une autre religion, ne pourront jamais s’intĂ©grer. En revanche on ne peut se contenter d’un postulat, certes optimiste, mais quelque peu naĂŻf, selon lequel cette intĂ©gration finira bien par se faire toute seule, naturellement. Car aujourd’hui, les vagues d’immigration les plus rĂ©centes ont d’autant plus de mal Ă  s’intĂ©grer dans la sociĂ©tĂ© française, qu’elles se constituent souvent en diasporas dans des espaces oĂč elles vivent entre elles.

      N’y sont elles pas souvent contraintes ?
      Bien sĂ»r. Les « ghettos » que l’on fait mine de dĂ©plorer sont des lieux oĂč se concentrent les derniers arrivĂ©s en France et ceux qui cumulent le plus grand nombre de handicaps sociaux. Ceux qui s’en sortent s’en vont. Il faut absolument en tirer les consĂ©quences en termes de politiques publiques. Les questions identitaires doivent ĂȘtre traitĂ©es dans leurs dimensions Ă©conomiques et sociales. Pour cela il est nĂ©cessaire de disposer d’informations objectives sur la rĂ©alitĂ© dĂ©mographique de notre pays, dĂ©velopper les Ă©tudes sociologiques et sans doute cesser d’interdire les fameuses statistiques ethniques. Je m’inquiĂšte en effet d’une situation oĂč, du fait des discriminations et des handicaps, les positions sociales finissent par ĂȘtre indexĂ©es sur les appartenances ethniques. OĂč les emplois les moins qualifiĂ©s sont en grande majoritĂ© effectuĂ©s par des gens d’origine Ă©trangĂšre, alors qu’à l’inverse plus on monte dans la hiĂ©rarchie, plus ça se blanchit. Cela donne une connotation nĂ©o-coloniale lourde de dangers, car lorsque vous avez une superposition entre hiĂ©rachies sociales et raciales, comme c’est le cas aux Etats-Unis, l’exercice de la solidaritĂ© est beaucoup plus difficile. Tout simplement parce que les pauvres n’ont plus la mĂȘme couleur que les riches.
      “L’horreur d’une guerre civile n’est pas la seule perspective dramatique.”

      Face Ă  ces diasporas, vous insistez aussi sur le risque « d’enfermements communautaires » et la nĂ©cessitĂ© d’un « socle commun » de valeurs...
      La sociĂ©tĂ© française est aujourd’hui, incontestablement, multiculturelle et nous appartenons tous plus ou moins Ă  des communautĂ©s diffĂ©rentes. Celles-ci ne sont pas mauvaises en soi, elles sont des mĂ©diations entre l’individu et la nation. Le problĂšme surgit quand elles deviennent au contraire des Ă©crans entre les deux, quand elles affirment des diffĂ©rences culturelles qui prĂ©tendent s’imposer Ă  la sociĂ©tĂ©. Cette conception du multiculturalisme se heurte alors de plein fouet Ă  la tradition rĂ©publicaine française qui veille Ă  la cohĂ©sion d’un Etat-nation cimentĂ© par des valeurs communes. Je pense Ă  la libertĂ© d’expression, par exemple. En France, on a le droit au blasphĂšme, on peut se moquer des dieux. Je pense Ă  l’égalitĂ© hommes/femmes. Je pense Ă  la laĂŻcitĂ© pour laquelle les rĂ©publicains ont dĂ» se battre au XIXe siĂšcle, contre une puissante Eglise catholique. La fermetĂ© sur ce socle de valeurs me semble la condition du vivre ensemble et de l’acceptation de la diversitĂ© culturelle et religieuse qui est dĂ©sormais celle de la sociĂ©tĂ© française.

      Comment peut s’exercer cette fermetĂ© ?
      Par des interdits, comme la fameuse loi sur le voile intĂ©gral. Mais l’essentiel n’est pas lĂ . Le principal est le combat culturel, en particulier au sein de la communautĂ© musulmane. On parle toujours des musulmans les plus vindicatifs, de ceux qui brandissent leur religion comme un Ă©tendard identitaire. Il en existe, mais l’immense majoritĂ© des musulmans souhaitent simplement pratiquer leur religion en restant partie prenante de la communautĂ© française. Il faut les y aider en n’hĂ©sitant pas Ă  combattre la minoritĂ© des ultra conservateurs qui se sentent en rupture avec les valeurs de notre sociĂ©tĂ©.
      Votre livre insiste sur l’urgence d’agir...
      Quand j’ai rencontrĂ© ces militants et intellectuels identitaires, j’ai constatĂ© qu’au bout de leur raisonnement il y avait la guerre civile. Ils prĂ©tendent bien sĂ»r sonner l’alerte pour Ă©viter cette issue, mais n’envisagent comme solution que ce qu’ils nomment la « remigration », c’est-Ă -dire le retour de millions de personnes dans leur pays d’origine, quittĂ© parfois depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations. C’est Ă©videmment une hypothĂšse absurde, fantasmagorique. Sans le dire, les identitaires se prĂ©parent ainsi Ă  l’affrontement. Mais l’horreur d’une guerre civile n’est pas la seule perspective dramatique. Si on prolonge les tendances Ă  l’oeuvre aujourd’hui, c’est aussi l’avĂšnement d’une sociĂ©tĂ© française de plus en plus fracturĂ©e, chacun restant repliĂ© dans ses zones ou ses quartiers. Des France parallĂšles en quelque sorte, oĂč les immigrĂ©s seraient, Ă  l’exception d’une petite bourgeoisie, relĂ©guĂ©s au second plan. A ce moment lĂ , les grands discours rĂ©publicains deviendraient totalement abstraits.

      A lire
      La France identitaire. EnquĂȘte sur la rĂ©action qui vient , d’Eric Dupin, Ă©d. La DĂ©couverte, 206 p., 17 €.