• Du concept de « race sœur »

    "Les immigrations européennes sont considérées par les républicains sous la IIIe République comme des « races sœurs ». J’ai même été très étonné de voir le terme « race sœur » dans la circulaire de 11 août 1927, promulguée à la suite de la loi du 10 août, qui permet l’augmentation sans précédent du nombre de naturalisations des étrangers adultes. Le discours juridique est d’habitude très neutre et c’est une des rares fois où le terme est utilisé de cette manière, sur le territoire métropolitain, pour identifier certaines catégories de la population étrangère. Bien que le terme de race soit aujourd’hui présent dans le « bloc constitutionnel » (le « sans distinction de race » du préambule de la Constitution de 1946), il ne désigne pas un groupe en particulier. Aux XIXe et XXe siècles, le discours républicain sur l’assimilation des Européens considère que celle-ci est « possible » parce que les Européens sont des frères de race. Et cette assimilabilité va justifier l’acquisition de la nationalité avec la loi de 1889 (instauration du droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers), puis celle de 1927 qui autorise une politique de naturalisations massives d’adultes. Dans les commentaires juridiques de ces lois, on retrouve l’idée selon laquelle, s’il y avait eu une forte population étrangère et « exotique » (non européenne), les lois n’auraient pas pu être adoptées. Autrement dit, l’État français n’aurait pas favorisé l’augmentation des naturalisations s’il n’était pas sûr de l’affinité de race des étrangers présents sur le territoire français. Il y avait quelques milliers d’indigènes des colonies dans l’entre-deux guerres, mais leur statut juridique (national français sans être citoyen) les excluait de fait de la procédure réservée aux ressortissants d’un État étranger. Ceci signifie que, pour les républicains de la IIIe République, la principale distinction raciale est celle qui divise la race blanche et les autres races « exotiques » et que, au sein de la race blanche, il ne doit pas exister de distinction. Compte tenu de la différence de statut indigène/étranger, le critère racial de sélection des candidats à la nationalité n’est pas opérant en métropole. Il a été (presque) sorti de l’horizon explicite du droit mais il reste un horizon implicite faisant partie du sens commun politique et administratif. " (#Abdellali_Hajjat)

    http://www.contretemps.eu/interventions/%C2%AB-racisme-besoin-dune-b%C3%A9quille-que-lui-fournit-principe-s%C3%A

    #Racisme