Monolecte 😷🤬

Fauteuse de merde 🐘 @Monolecte@framapiaf.org

  • Comment je suis devenue #féministe en réparant des #vélos

    (repostage du message non tagué de Chulinetti)

    "Mon histoire commence il y a environ 5 ans.
    Je me déplace à vélo quotidiennement pour me rendre à mon travail, et un jour, j’ai un pépin technique qui m’empêche d’avancer. Je pousse donc la porte d’un réparateur de vélos pendant ma pause déjeuner, un mécanicien fait le diagnostic, rien de grave, ça peut être résolu dans la demi heure. Je vais me chercher un sandwich et je reviens dans la boutique, je m’installe dans un coin, je sors un bouquin en attendant que mon vélo soit prêt. J’écoute sans trop faire attention les discussions des deux gars dans leur atelier.
    “Tiens, encore un tarif gonzesse. Elle est pour toi celle-là.“Ils se marrent.
    Je récupère mon vélo, un peu froissée, je paie, et je m’en vais.
    Je demande plus tard à mes copains cyclistes ce que c’est, le tarif gonzesse. Ils me répondent, mi embêtés, mi rigolards :
    “Ha, on t’a fait le coup ? Ouais, bon, c’est un truc de bouclard, quand une jolie fille débarque avec son vélo tout cassé, on dirait un peu un chaton, alors on lui fait une réduction, c’est galant, c’est le tarif gonzesse. Avec un peu de bol, elle reviendra, et y’aura moyen.”
    “Ouais, c’est un peu injuste le tarif gonzesse parce que nous les mecs, on paie plein pot.”
    “Ouais enfin nous on va pas chez les bouclards, on répare nous même.”
    “Ouais. Bon, on reprend une tournée ?”
    Quelque temps plus tard, victime d’une crevaison, je pousse mon vélo jusqu’aux portes de l’atelier d’autoréparation de mon quartier, dont j’avais entendu parler sans jamais osé y rentrer. J’ai été accueillie par une femme d’un certain âge, qui m’a montré comment remplacer ma chambre à air, et j’ai commencé à trouver à mon vélo un maximum de dysfonctionnements pour avoir l’excuse de revenir chaque semaine dans cet endroit, jusqu’à y bénévoler régulièrement. Je n’étais pas très dégourdie, ni très forte en mécanique, mais je me sentais bien là bas.
    Avant mon départ de Strasbourg, mon père a tenu à m’offrir un nouveau vélo pour que je puisse arpenter les rues parisiennes en toute sécurité. J’avais une idée assez précise de ce que je voulais, j’avais passé du temps à comparer différentes #bicyclettes, et quand je suis entrée dans le magasin avec mon père, j’étais plutôt sûre de moi. Le vendeur ne s’est adressé qu’à mon père, en me désignant parfois par “la petite dame” “la jeune fille” “la petite demoiselle” et en essayant de me vendre un vélo très éloigné du modèle que j’avais désigné en premier lieu, et que j’avais pré-sélectionné sur Internet.
    Ces deux mésaventures constituent à la fois la base de mon changement de carrière et de ma prise de conscience du sexisme ordinaire. Dans le milieu militant féministe, on appelle ça avaler la pilule bleue, en référence à Matrix.
    Avant, j’étais documentaliste, un métier socialement considéré comme féminin. Je n’avais pas l’impression de souffrir du sexisme, et je ne me suis pas heurtée au plafond de verre, malgré plus de douze ans passés dans la même entreprise. Mes compétences ont été reconnues par mes supérieurs masculins, j’ai été augmentée et mon poste a évolué. Les circonstances ont fait que j’ai du déménager, démissionner de mon entreprise où tout se passait bien, passer par des contrats précaires et des missions décourageantes pour finalement entreprendre de choisir un nouveau métier.
    Aujourd’hui je suis technicienne #cycles. Mon travail consiste à vendre et à réparer des vélos. Inutile de dire que je ne pratique jamais le tarif gonzesse. Non seulement j’écoute sans les interrompre les femmes qui viennent acheter un vélo, mais surtout, je les questionne sur leur pratique du vélo, sur leur trajet, sur leur goûts, sur leurs besoins. Je veux qu’elles me parlent de leur façon de pédaler, et qu’elles repartent avec un vélo aussi proche que possible de celui qu’elles imaginaient avant d’entrer dans mon magasin. Mais surtout, je veux que jamais elles ne se sentent illégitimes ici et qu’elles aient envie de revenir pour y faire entretenir leur vélo et pour discuter avec moi.
    Ce qui me semble évident aujourd’hui parce que j’ai été de l’autre côté du comptoir ne l’était pas du tout il y a deux ans.
    J’évolue désormais dans un environnement professionnel ouvertement sexiste : du chef d’entreprise qui m’a engagée “pour apporter un peu de féminité”, au chef d’atelier qui m’interroge sur mon orientation sexuelle, au directeur de magasin qui semble ignorer mon prénom et qui m’appelle “la miss” ou “ma belle”, aux clients qui sont toujours étonnés de voir une femme en atelier et qui me le font savoir, à ceux qui s’adressent à mes collègues qui n’ont aucune expérience en mécanique, plutôt qu’à moi, la personne pleine de cambouis avec un tablier et des outils en main, debout devant un pied en train de triturer les entrailles d’un vélo. Aux autres femmes aussi, qui me demandent comment je fais pour rester féminine malgré mon métier, qui déplorent que je puisse pas porter de robes ni de vernis à ongles, ou tout simplement qui trouvent admiraaaable que j’ai le courage de réparer des vélos.
    Le cycloféminisme m’aide à imposer ma place dans ce milieu, exactement comme j’impose ma place sur la route quand je suis à vélo.
    C’est le sujet que j’aborderai dans un prochain article : vous avez toujours voulu savoir ce que c’était que d’être une femme ? Montez sur votre vélo.”

    D’ici là, à lire :
    Définition du Cycloféminisme : wiki.cyclocoop.genre
    Pourquoi pratiquer la mécanique en atelier non mixte https://reporterre.net/Les-ateliers-velo-antisexistes-roulent-de-mieux-en-mieux
    #BikeagainstApocalypse #France #vélo #féminisme #sexisme #témoignage #DIY #AvéloSimone #Lyon #Grenoble #Paris #Rennes

    Trouvé sur Framasphère
    https://framasphere.org/posts/2544888

    • J’en profite pour vous conseiller une copine super géniale, Isabelle Lucas, qui est réparatrice, loueuse et vendeuse de vélos, elle tient seule l’atelier boutique de ses parents au 92 avenue de la république à Deauville, ouvert depuis 1924. Mais elle est aussi passionnée par des tas d’autres choses, et c’est une grande pédagogue c’est elle qui a appris à nager à ma fille, elle dit que seul le plaisir compte quand on apprend, c’est vous dire !