• Pour l’instant je ne suis pas retournée à ce lieu de lutte. Je me protège. J’ai peur de mes émotions. Je ne veux pas y aller seule. Je préfère m’investir ailleurs.

      Il y a peu, je me suis empêchée d’aller à une réunion qui se tenait dans le lieu autogéré où je passe beaucoup de temps, et à laquelle X était présent.

      C’est trop insupportable d’imaginer qu’il peut se pointer l’air de rien aussi dans un lieu qui est confortable pour moi, que je fréquente très souvent, qui m’est important. Ce n’est pas à moi de tout abandonner. Aujourd’hui j’ai donc passé le cap d’amener le sujet lors d’une réunion d’organisation.

      J’ai peur et honte à la fois par rapport à cette future discussion. (...)

      Épilogue

      Suite à la réunion (à laquelle je n’ai pas souhaité assister pour me préserver), il a été décidé que X était désormais exclu du local.

      Un mail lui a été envoyé pour l’en informer et un ami l’a appelé pour s’assurer qu’il en avait eu connaissance. X a dit qu’il allait respecter la décision. Il aurait aussi reconnu qu’il s’était passé un truc “pas cool”. Et il se serait inquiété de savoir s’il allait être montré du doigt par tout le monde, si les autres collectifs et orgas seraient mis.e.s au courant.

      Il a également dit qu’il aimerait qu’on puisse discuter, quitte à ce que ce soit avec une tierce personne, sous-entendant apparemment qu’il m’avait relancée plusieurs fois mais que j’avais soit refusé soit pas répondu. J’ai presque trouvé ça drôle. Une fois de plus, il essayait de donner une bonne image de lui et de passer pour le gentil fasse à une connasse qui refuse le dialogue.

      Encore une fois : difficile pour moi de rentrer dans la dénonciation construite de cette femme, de toi @aude_v, et d’autres. Peut-être une peur de reconnaître la violence de mes propres expériences... Pour autant, la nécessité de ce genre de partage m’apparaît de plus en plus évidente à force d’en lire. Pour qu’individuellement et collectivement, l’écoute et la riposte deviennent elles aussi évidentes. De ce point de vue ça semble (un peu) encourageant de voir que si certes un lieu de lutte n’est pas à l’abri des violences sexistes (une triste évidence), ici en l’occurrence :

      il a été décidé que X était désormais exclu du local.

      Parler pour bannir.

    • L’autre versant de l’histoire nous ramenant effectivement à ton patron proféministe... La culpabilisation est un conditionnement qui dépasse très largement le clivage droite/gauche. Je ne me rappelle plus où j’ai lu cette analyse sur l’abus de dire sans cesse « c’est ma/ta faute » quand il s’agit la plupart du temps de simples erreurs... S’écraser devant les plus forts c’est une erreur, rien d’autre. Donc on n’a pas à expier. Une erreur, ça se corrige, ça se rectifie, et ensuite au lieu d’avoir une employée au placard ton patron a une équipe qui va de l’avant. Après tout dépend s’il a lui-même envie d’avancer ou si sa pulsion d’écraser est la plus forte.

    • Oui, j’ai lu @aude_v : c’est un « patron » au sens que sa conception de la vie se limite à soit tu manges les autres, soit tu es mangé. Et il est non seulement « proféministe » mais spécialiste du précariat féminin. Je trouve que malheureusement, ça se tient très bien. Le succès de la figure du dominé dans notre paysage intellectuel (la littérature avec l’héritage de nos chers Zola, Hugo..., puis les sciences sociales, les médias) doit bien procéder, au moins en partie, d’un besoin de connaître ces masses laborieuses pour mieux les contrôler. Parce que sinon, pourquoi n’y a-t-il à peu près que les Pinçon-Charlot qui font émerger la sociologie des riches par exemple ? En quoi ces derniers seraient-ils fondamentalement moins intéressants que les dominés ? De même, il y a des journalistes qui commettent un travail magnifique et très important dans le « reportage social ». Mais chez certains, ça tourne à une focalisation sur « nos pauvres » qui finit par m’insupporter. Ainsi le pauvre, la femme et mieux encore la combinaison des deux, tes ex-patron-patronne en ont fait des objets de recherche. A lire ton texte, ça semble traduire chez eux une attirance pour les personnes-objets tout court. Pas forcément que ça, encore une fois, mais d’une façon sous-jacente qui a pu se cristalliser au fur et à mesure que leur carrière avançait.

      Le premier lien vers « Pour une fois j’ai dit non » est cassé donc j’en profite pour le changer : https://infokiosques.net/lire.php?id_article=1391
      La femme qui l’a écrit a l’air d’avoir réussi à trouver une forme de réparation au sein de sa « communauté », elle. Le texte d’Andrée O. Fobb se finit sur une note plus amère. Dans l’ensemble je l’ai trouvé éprouvant parce que l’emprise est encore très présente. Il donne l’impression qu’on n’en sort jamais vraiment. Mais l’analyse qu’il y a dans la partie « comment et pourquoi blâmer une victime » fait du bien : ça recoupe ce que j’écrivais au début de la discussion sur l’utilité de ce genre de partage pour celles et ceux qui peuvent être pris pour des proies juste parce qu’on a la chance d’avoir un logiciel davantage orienté paix et respect...