Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • Les leçons de républicanisme de Thomas Paine (1802‑1807)
    http://ahrf.revues.org/11937

    Thomas Paine était un révolutionnaire internationaliste de la fin du XVIIIeme siècle. Député en France, activiste en Angleterre, il fut surtout un des principaux artisans de la révolution américaine. Un auteur à redécouvrir.

    Les textes de Paine des dernières années s’inscrivent dans ce que les républicains appellent alors la « révolution de 1800 ». En effet, la défaite des Fédéralistes et l’élection de Jefferson inaugurent une nouvelle période de l’histoire des États-Unis. Le projet fédéraliste et hamiltonien de construction d’une puissance sur le modèle anglais est battu, c’est désormais celui d’un développement de l’Amérique vers l’intérieur qui s’impose. Par ailleurs, la « révolution de 1800 » n’est pas un simple changement de parti au pouvoir mais un tournant démocratique. La victoire républicaine affaiblit l’élitisme et encourage une pratique politique élargi

    Comme l’ont montré les historiens, l’une des causes de la défaite des fédéralistes est que leur conception de la High Politics excluant le peuple des débats pour la resserrer parmi l’élite sociale était contradictoire avec l’existence d’une presse à vocation populaire. Il est évident qu’en entrant dans le jeu du débat public large, y compris pour tenter de discréditer les Républicains, les Fédéralistes ouvraient sans le vouloir le champ démocratique. Paine en a conscience et il y voit une des raisons de la perfectibilité du régime républicain qui oblige même ses ennemis à se placer sur le terrain de l’extension de la publicité des principes.

    Dès Common Sense et Rights of Man, Paine avait affirmé qu’une des raisons de la supériorité du régime représentatif et républicain démocratique sur tous les autres était qu’il était le seul à pouvoir s’autoréformer sans révolution, ni troubles par le jeu de l’expression de la souveraineté de tout le peuple. La République n’est pas un régime dans lequel le peuple ne peut pas se tromper ou être trompé, mais il est le seul dans lequel le peuple lui-même peut revenir sur ses erreurs et se perfectionner39. Cette « perfectibilité » des républiques est, selon Paine, la cause principale de l’échec fédéraliste. Mais, pour lui, la Révolution de 1800 n’est pas la fin du processus d’autoréforme. La République doit être refondée en permanence par la vigilance des citoyens et par l’exercice sans entraves de leurs droits. D’où la nécessité de réformer les constitutions d’État qui contenaient encore des limites au suffrage ou des dispositions favorisant les aristocraties « naturelles ». C’est le sens de son engagement auprès des réformateurs de Pennsylvanie au printemps de 1805, ou de ses propositions adressées à ceux du Connecticut l’année précédente et de ceux de l’État de New York en 1806.

    Et des questions d’actualité :

    La question des mécanismes de correction démocratique continue d’occuper Paine jusque dans ses derniers écrits et on le voit encore en 1807, alors que sa santé s’est dégradée, écrire au sénateur Mitchell de New York pour lui soumettre un amendement autorisant la destitution d’un juge de la Cour suprême par le Président sur la réquisition de la majorité des deux chambres afin d’éviter un pouvoir excessif et sans censure populaire du pouvoir judiciaire suprême

    Contre les Fédéralistes qui lui font un crime d’avoir attaqué la figure de Washington dans sa fameuse lettre au président décédé56, il rappelle que ce n’est pas le combattant de la Révolution qu’il a attaqué, mais le président otage de la « faction » et tellement imbu de sa fonction qu’il a fait dériver la pratique exécutive dans un sens « monarchique ». Contre l’espèce de « culte de la personnalité » que les Fédéralistes ont essayé de faire jouer en « récupérant » la figure de Washington à leur profit, Paine rappelle que les généraux, comme les écrivains patriotes, et comme les simples miliciens, ont joué des rôles d’importance égale dans la Révolution qui n’est pas le fruit de l’action des grands hommes et des élites, mais celui de la conjonction de l’esprit républicain et du peuple

    Les birthers ne sont pas seulement d’aujourd’hui

    De même, l’affaire provoquée par le refus d’un certain Ward, fédéraliste à New Rochelle, de permettre à Paine de voter à la fin de 1806 sous le prétexte qu’il était anglais et non-américain, n’est-elle pas pour Paine une question personnelle, mais une question de principe qui met en cause la mémoire révolutionnaire. C’est ce qu’il écrit dans ses dernières lettres à Madison et Clinton en mai 180765. Lui refuser le droit de vote n’était pas seulement une vengeance des Fédéralistes contre un de leurs ennemis, c’était aussi une manière de « déradicaliser » la Révolution et de faire disparaître sa dimension universelle en niant la participation de l’homme qui symbolisait plus que tout autre les trois Révolutions d’Amérique, d’Angleterre et de France.

    #histoire #Etats-Unis #Thomas_Paine