• Il se peut que je fuis, mais tout au long de ma fuite, je cherche
    une arme !

    « La possibilité d’un malentendu entre nous, en tant
    que personnes, proviendra toujours du fait que je
    suis un étranger. Ce sera toujours de ma faute. Les
    choses secrètes que je cache à presque tout le
    monde et surtout à ceux qui sont aimables et
    bienveillants, mais intellectuellement incapables de
    comprendre pleinement quelle épreuve c’est d’être
    chassé comme un gibier, rejeté comme un étranger,
    ces choses excluent pour toujours la possibilité
    d’une entente parfaite. Une fois que vous aurez
    admis cela, vous me comprendrez mieux. Ayez cette
    idée toujours présente à l’esprit et soyez patiente
    avec moi.

    Je me sens menacé. C’est par là qu’il aurait fallu
    commencer. Rappelez-vous comment j’ai tenté
    d’expliquer ce sentiment, cette sensation singulière
    et envahissante. Ajoutez à cela que, même en mes
    jours de plus profond désarroi, lorsque tout en étant
    moi-même je n’étais plus moi-même, ma façon de
    réagir à cette impression (et je me suis toujours senti
    menacé), je la puisais dans les régions les plus
    archaïques de mon esprit. Etre un étranger ne m’a
    jamais rendu craintif, ou alors très rarement !

    A partir de là, de cette attitude, vous reconnaîtrez
    tous les traits atypiques de mon caractère. Il se peut
    que je fuis, mais tout au long de ma fuite, je cherche
    une arme !
    Une position défensive ! Il ne m’est
    jamais arrivé de me coucher pour recevoir des
    coups de pied. C’est stupide ! Quand je le fais,
    j’attends de saisir le moment où mon ennemi sera
    fatigué. La meilleure tactique est de lui tordre la
    jambe ou de tirer dessus si l’on peut. Engager une
    discussion avec un assaillant pour dénoncer la
    logique de la violence — ou une discussion avec
    moi-même sur la sagesse d’une attitude naturelle de
    contre-violence — frise, ou plutôt dépasse, les
    limites de l’absurde !

    Je refuse net de souscrire à ces balivernes de
    surhomme, j’ai vu trop d’hommes pleurer, j’ai vu trop
    d’hommes dans toutes les postures de la misère
    commune — de la mort. Mon message au peuple
    noir et aux gens sensibles et bons, et bien-aimés,
    comme vous, sera le même que celui que j’ai reçu
    moi-même des profondeurs de mon esprit. Il sera le
    même aussi longtemps que nous aurons le même
    problème, il sera le même qu’il vienne d’un cerveau
    vivant, aimant, ou qu’il vienne de la tombe. » (Georges Jackson, Les Frères de Soledad)

    #Black_Panthers