Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • BALLAST | Vive la Première Internationale !
    http://www.revue-ballast.fr/vive-la-premiere-internationale

    Pour les gens qui connaissent mal ce sujet, pouvez-vous déjà resituer les principales tendances qui cohabitent au sein de la Première Internationale ?

    Il y a, au départ, l’impulsion des trade-unionistes anglais — le plus important mouvement syndical du XIXe siècle, qui préconise une forme de synchronisation à l’échelle européenne pour contrer la mise en concurrence des ouvriers dans un moment d’accélération de la mondialisation capitaliste. Ils ne sont pas les plus révolutionnaires, mais les plus organisés : leurs dirigeants se nourrissent souvent d’une pensée positiviste. Il y a les ouvriers français, qualifiés souvent de proudhoniens — mais qui ne sont pas seulement réductibles à cette seule influence : ils puisent également chez les utopistes (pensons à Fourier) —, qui cherchent à ce moment de libéralisation du Second Empire des nouvelles voies d’organisation de la classe ouvrière, tant par les élections (Manifeste des soixante) que par la constitution de corporations syndicales. Il y a la présence des « communistes » allemands, notamment parmi les exilés à Londres, dont Marx, bien sûr. En périphérie, on constate l’intérêt de tout un tas de proscrits démocrates qui grenouillent à Londres, et participent aux débats initiaux dans l’espoir d’y défendre leur cause particulière. Schématiquement, on peut distinguer deux axes principaux dans le projet initial de l’Internationale : la solidarité entre les travailleurs ; la fraternité entre les peuples.

    « Nombreux sont ceux qui en viennent à penser qu’il faut passer par d’autres formes d’actions et d’organisations politiques. »
    En 1868, Bakounine se rapproche de l’AIT en rompant avec la Ligue pour la paix, qu’il juge trop bourgeoise. Il va constituer un réseau parallèle et aura rapidement une grande influence sur certaines sections de l’Internationale, notamment parmi les internationaux suisses, italiens ou espagnols. Le programme particulier de l’Alliance se caractérise par la mise en avant de l’athéisme, le rejet de l’État ou encore l’égalité entre les sexes — ce qui explique qu’on pourra parler d’une tendance anarchiste, ou plutôt anti-autoritaire, même si ceux-là se disent alors « socialistes révolutionnaires » ou « collectivistes anti-autoritaires ».

    Nous parlions tout à l’heure des différents courants présents en son sein. De quelle façon les retrouvent-on dans la Commune ?

    « Le massacre des communards glace le mouvement ouvrier français pendant une décennie, mais aussi, plus largement, l’ensemble des mouvements européens. »
    Comme le note Jacques Rougerie, l’AIT est une force potentielle dans la Commune — plusieurs dizaines de milliers d’affiliés —, mais une faiblesse organisatrice… L’AIT n’a aucun rôle dans le 18 mars : c’est la foule parisienne qui déclenche l’insurrection. Les grands organisateurs de la fédération parisienne de l’Internationale, comme Varlin ou Theisz, sont des participants acharnés à la Commune, mais ils vont agir à titre individuel : ils sont à la garde nationale, aux comités d’arrondissements, dans les clubs… Un tiers des communards répertoriés sont membres de l’AIT, mais ils n’agissent pas spécialement en tant que tels.

    Parmi les courants, on distingue les blanquistes, qui ont afflué dans l’Internationale après septembre 1870, pensant qu’elle pourrait être un outil pour précipiter les choses, puis les collectivistes, et quelques proudhoniens — il y a aussi des « proudhoniens obtus », comme Tolain et Fribourg, qui se déclarent contre la Commune et se séparent de l’AIT. Grosso modo, les premiers préconisent la constitution d’un Comité de salut public, durant la Commune, tandis que les socialistes refusent l’aventure et la dictature — on leur reprochera d’ailleurs parfois la faiblesse de leur légalisme. On retrouve les internationaux aux postes économiques et sociaux de la Commune, on leur doit la principale influence sur le caractère social de cette dernière. Parallèlement, le Conseil général de Londres et les correspondants de Marx à Paris, Seraillier, Frankel, déplorent le manque de structure et de discipline de l’AIT parisienne, qui s’éparpille à la moindre commotion politique. Ce défaut d’organisation apparaît pour eux comme une des leçons de l’échec de la Commune.

    #histoire #mouvement_ouvrier #socialisme #Internationale