kaparia

animateur d’un espace de création dans le quartier de Kypseli, Athènes

  • LA GRATUITE, UNE TENSION VERS L’EMANCIPATION 21 OCTOBRE 2016 / JEAN-LOUIS SAGOT-DUVAUROUX

    On se souvient peu que dans les vieux slogans fondateurs du mouvement communiste et du mouvement anarchiste, il y avait l’abolition du salariat – qui a d’ailleurs été très récemment supprimé des statuts de la CGT. Derrière l’idée d’abolition du salariat, il y avait le sentiment que les êtres humains ne sont pas faits pour travailler moyennant finances et sous ordre, qu’ils sont faits pour travailler et pour agir comme des adultes, qui savent que l’on a besoin de l’activité humaine pour produire ce qui permet de vivre, et pour innover, développer ce que les progrès de la technique apportent.

    Notons que le mouvement ouvrier, inspiré par cette idée de l’abolition du salariat, a toujours agi pour la diminution du temps de travail. Mais on aurait pu formuler cela tout autrement en disant que nous agissons pour l’augmentation du temps de libre activité. C’est-à-dire s’occuper de ses enfants, faire la cour à la personne que l’on aime, construire sa maison, ramasser des champignons, ou inventer un logiciel… C’est déjà à l’oeuvre. Nous développons déjà des activités multiples, pour lesquelles on ne demande à personne de payer, que l’on fait parce que cela produit un bien pour soi-même et pour la collectivité. On entend très souvent des retraités, par exemple, dire n’avoir jamais été aussi actifs que depuis qu’ils sont à la retraite. Cette activité-là produit du bien, mais un bien qui est hors marché.

    L’augmentation de la libre activité a réellement changé nos vies. A la fin du XIXe siècle, on travaille de l’enfance à la mort, tous les jours, du lever au coucher : l’activité est entièrement marchandisée. Autre volet de l’émancipation de l’activité humaine, qualitatif celui là, le droit du travail a été une construction qui garantit l’inaliénabilité de la personne humaine, à l’intérieur du temps vendu. Même à l’intérieur de cet achat par morceaux qu’est le salariat, je ne vends pas ma personne, je vends « quelque chose » de ma personne, le reste est inaliénable.

    Voilà pour la phase optimiste. L’autre phase, c’est (...) cette puissance de la représentation marchande qui rend réceptif à l’idée que celui qui ne veut pas être salarié ou celui qui défend les 35 heures est un paresseux. Si bien que, par exemple, au lieu de transformer les énormes gains de productivité que connaît l’économie mondiale en ouverture sur la libre activité, ces gains vont à la rente du capital (dans les 25 dernières années, 10 % de la richesse produite est passée de la rémunération du travail à la rémunération du capital).

    Ensuite, on dit aux salarié·e·s qu’il n’y a pas d’argent, puisque l’argent va « tout naturellement » aux gens qui ont pris l’énorme risque de mettre leur fortune en bourse (le risque de se faire broyer par une machine, c’est quand même moins grave !). Donc on ne peut pas payer plus, et il faut s’estimer heureux d’avoir du boulot. Cette configuration générale (imaginaire, intime, symbolique, idéologique) dégrade les consciences et l’objectif de civilisation qui vise à « désaliéner » l’être humain se perd, comme nos espérances et nos perspectives politiques.

    #ARTS_DE_LA_RUE #AUBAGNE #ÉMANCIPATION #DI_ROSA #GRATUITÉ #LIEUX_PUBLICS #MARCHANDISE #TRANSPORTS_PUBLICS #UNIVERSITÉ_POPULAIRE #TEMPS #SALARIAT

    https://jlsagotduvauroux.wordpress.com/2016/10/21/la-gratuite-une-tension-vers-lemancipation

    • On ne se suicide pas au travail pour des problèmes de salaire, on se suicide pour des problèmes de sens. Ma vie n’a plus de sens, mon travail est devenu un enfer, on me met en guerre contre tout le monde. Une fois encore, le plus important, ce qui est « sans prix », vital, c’est ce qui est attaqué dans cette forme de « remarchandisation » de la personne humaine.