Vanderling

La conversation n’est féconde qu’entre esprits attachés à consolider leurs perplexités.

    • Tel qu’il nous apparaît à la télévision ou sur les photos, François Fillon ressemble de plus en plus à une momie. La tête rejetée en arrière, une sorte de rictus dont on ne sait s’il s’agit d’une esquisse de sourire ou des séquelles d’une paralysie faciale, il est là, impassible, impavide. Et on en est toujours à se demander qui est cet homme ? Un cynique à nul autre pareil ? Un inconscient ? Un amoraliste échappé d’une nouvelle de Maupassant ? Ou encore un pur produit du libéralisme, convaincu que tout ce que l’on obtient, et par quelque moyen que ce soit, est mérité ? Sa résilience est une énigme. Son dernier coup de bluff dans l’émission de Pujadas – cette dénonciation d’un cabinet noir, puis l’évocation du suicide de Pierre Bérégovoy – a stupéfié nombre de nos concitoyens.

      Quoi qu’il advienne, Fillon sera le héros négatif et mystérieux de cette campagne présidentielle. Son obstination en aura spectaculairement détourné le cours. Le quinquennat catastrophe qui s’achève assurait à la droite une victoire ample et certaine. Elle est désormais plus qu’improbable. La droite croyait s’être choisi un champion d’une impeccable probité qui pourrait tranquillement faire la morale aux chômeurs, aux assistés, aux malades remboursés par la Sécurité sociale, aux sans-logis, et rendre invisibles les musulmans. Un Torquemada de l’injustice bourgeoise. Et elle a élu un Berlusconi triste. Mais, autant que sa personnalité, ce qui interroge, c’est ce que les politologues appellent son « socle ».

      Ce sont ces soutiens qui suivent le candidat dans toutes ses dérives complotistes. Aveuglément ou cyniquement. Ceux-là gobent tous ses discours. Ce noyau d’irréductibles représente, dit-on, 75 % de ses électeurs potentiels. Ils m’étonnent chaque fois que je les entends. Ce sont les « nobody’s perfect » semblables au milliardaire de Certains l’aiment chaud. On leur dirait que Fillon est un Martien, ils ne cilleraient pas. Qui sont-ils ? Pour la plupart, ils sont issus de la grande bourgeoisie. Leur conviction est faite à la fois de religiosité et de mercantilisme. Leur candidat pourrait se livrer aux pires turpitudes, il trouverait toujours grâce à leurs yeux… pourvu qu’il promette de supprimer l’impôt sur la fortune. Parmi les autres candidats, seule Marine Le Pen dispose d’un socle plus important et tout aussi résolu : 80 % de ses électeurs potentiels voteront pour elle quoi qu’il arrive.

      https://www.politis.fr/articles/2017/03/londe-de-choc-fillon-36572