• Une #poésie, reçue par un collègue et ami.
    A lire.

    Ma tête à la mer.

    J’ai quitté la poussière. Les montagnes. La ville. J’ai quitté.
    On dit ça au lycée. Quand l’heure d’apprendre est finie.
    J’ai tout su de mon pays. Les définitions aussi.
    De la souffrance. De la perte. De la haine. De la mort.
    J’ai fait mes colles dans la cave.
    J’ai passé mes épreuves sous les poings qui frappent.
    Je n’ai rien réussi.
    Seulement #survivre.

    Ma tête à l’envers.

    J’ai quitté. J’ai laissé. J’ai perdu.

    La maison de mes parents. La porte qui tremble sous les coups.
    Les rafales. Les grenades. Les bombes. Les gaz.
    Les mendiants qui mentent. Armés sous leurs loques. Ils pillent.
    Tuent l’innocence d’une vérité blottie dans un foyer.
    J’ai quitté la vie qu’on voulait me prendre.

    Ma tête au désert.

    J’ai traversé les #frontières. Couru l’#espoir. Goûté le #courage.
    Comme une poignée de sable sur les lèvres.

    Et l’#angoisse. La corde qu’on avale pendant qu’elle nous étrangle.

    Ma tête à l’air.

    Libre je ne sais rien. De ce qui m’attend et de ce qu’est le temps.
    La montre à mon poignet est un compte à rebours du vide.
    Je suis seul avec ce qui manque.
    Et seul avec ce que j’espère.
    J’ai dix-huit ans. Disent mes os.
    Et dehors. Dit le juge.
    J’ai dû dire au revoir plus vite qu’une porte claque.
    Libre je ne sais rien. Mais j’ai le numéro de ma soeur.
    En Angleterre. Et viens. Me dit-elle. Rejoins-moi.
    Elle a payé un passeur.
    Je ne sais pas où le rejoindre.
    Soudain une vie coûte le prix d’un passage.
    Je ne pense qu’à recharger mon téléphone.

    Ma tête à demain.

    Images mentales. Bancales.
    Je veux bien me noyer mais dans le flot d’une journée.
    En Angleterre. Avec ma soeur.
    Images mentales. Brutales.
    L’avenir tremble et vacille.
    Comme la mèche des vagues que rase le vent.
    L’avenir sera-t-il sur le rivage ?
    Je pars à la nage si le passeur ne m’appelle pas.
    Je ferai la planche jusqu’en Angleterre.
    Si la fatigue gèle mes bras, mes jambes.
    Je ferai la planche jusqu’au sourire de ma soeur sur la rive.
    Vais-je tenir ? Vais-je flotter si longtemps ?
    Qu’en disent mes os ?
    A votre avis, monsieur le juge ?

    En l’absence de réponse, j’attends encore.

    J’attends le passeur ou le jugement de l’eau.

    Nore Avril

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