La France dâen bas nâest plus ce quâelle Ă©tait | Jack Dion
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Au fil des Ă©lections, certains avaient fini par considĂ©rer que la France dâen bas avait vocation Ă voter FN. Les privilĂ©giĂ©s en Ă©taient rassurĂ©s, tant lâĂ©pouvantail dâextrĂȘme droite sâest rĂ©vĂ©lĂ© dâune rare efficacitĂ© pour attirer les Ă©lecteurs mĂ©contents dans une impasse. Depuis le premier tour de la prĂ©sidentielle, la donne est diffĂ©rente. On peut parler dâun tournant, mĂȘme sâil est encore difficile dâen mesurer les consĂ©quences, lesquelles se vĂ©rifieront (ou non) Ă lâoccasion des lĂ©gislatives de juin prochain.
Certes, en se hissant au second tour et en gagnant 1,2 million de voix par rapport Ă 2012 (+ 3,4 %), Marine Le Pen a confirmĂ© son implantation, mĂȘme le rĂ©sultat est loin des prĂ©visions initiales. Mais la percĂ©e de Jean-Luc MĂ©lenchon a dessinĂ© une nouvelle carte du vote populaire, dont la premiĂšre victime a Ă©tĂ© lâextrĂȘme droite. Si la rĂ©sistible ascension de Marine Le Pen a Ă©tĂ© stoppĂ©e dans les esprits et dans les urnes, câest dâabord Ă lui quâon le doit. Mieux vaudrait ne pas lâoublier. Cela Ă©viterait les procĂšs dâintention et les leçons de morale.
Non seulement lâex-ministre de François Mitterrand a gagnĂ© 3 millions de voix (+ 8,48 %) par rapport Ă 2012, mais, en laissant BenoĂźt Hamon sur le carreau, il a inversĂ© une courbe Ă©lectorale qui semblait inĂ©luctablement conduire la gauche de rupture Ă la marginalisation. Il a rĂ©ussi ce pari fou en modifiant en partie le vote de classe. Si Marine Le Pen arrive toujours en tĂȘte chez les ouvriers (34 %), elle est suivie par Jean-Luc MĂ©lenchon (24 %). Chez les chĂŽmeurs, Marine Le Pen rĂ©alise 30 % des voix, talonnĂ©e par Jean-Luc MĂ©lenchon (27,5 %). De mĂȘme, chez les employĂ©s, la candidate FN est en tĂȘte (30,1 %), devant le candidat des « insoumis » (23,1 %). Ajoutons que Jean-Luc MĂ©lenchon a ravi la premiĂšre place au FN chez les 18-24 ans (30 %). Son style de campagne, couplĂ© Ă une utilisation dĂ©capante des rĂ©seaux sociaux, a bousculĂ© lâordonnancement dĂ©suet des vieilles machines, devenues des repoussoirs pour la nouvelle gĂ©nĂ©ration...