Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • Les damnés de la Toile
    http://abonnes.lemonde.fr/pixels/article/2017/05/22/les-damnes-de-la-toile_5131443_4408996.html

    Sur MTurk, une plate-forme d’Amazon, ils effectuent des tâches répétitives pour quelques cents, bien en dessous du salaire minimum. Ces forçats du clic sont indispensables aux algorithmes des entreprises de la Silicon Valley.

    Il n’est pas encore 6 heures. Le visage de Marie Mento se dessine dans la ­lumière de l’écran de son ordinateur. Dans sa banlieue proprette du New ­Jersey, une tasse de café à la main, elle fait défiler les tâches qui lui sont proposées. Transcrire une vidéo de 35 secondes, 5 cents. Ecrire la description commerciale d’un produit, 12 cents. Noter des photos d’hommes pour un site de rencontres, 3 cents. Répondre à une étude scientifique, 10 cents.

    Un œil sur les forums, l’autre sur son objectif de la journée, Marie passera une heure sur Amazon Mechanical Turk (MTurk), un service du géant américain Amazon, avant de partir pour l’école où elle travaille comme bibliothécaire scolaire depuis près de quarante ans. « Chercher une bonne tâche m’a déjà mise en retard. C’est addictif. »

    Reste que dans le jargon typique de la Silicon Valley, Amazon Turk ne propose pas de travail, mais des « HIT », pour human intelligence tasks. Des tâches dites pour intelligence humaine ; un jeu de mots pour les différencier de celles réalisées par les intelligences artificielles. Car sur MTurk, il est surtout question d’aider des machines à accomplir leur besogne.

    Pour que YouTube propose automatiquement des vidéos pertinentes à la fin d’un sketch de Cyprien, par exemple, il faut que des milliers de personnes aient identifié puis classé des images à la chaîne. En clair, si perfectionnés soient-ils, les algorithmes élaborés par Facebook, Google et tant d’autres ont besoin d’être alimentés en données pour fonctionner correctement.

    Nettoyage de bases de données, « taggage » d’images ou de vidéos, modération, transcription… Un labeur souvent répétitif, monotone, ingrat et pourtant indispensable au développement de services sophistiqués, que les « turkers » accomplissent en tant qu’indépendants, sans protection sociale d’aucune sorte, pour une rétribution souvent dérisoire.

    « Notre travail fait tourner la planète. Nous organisons Internet. Nous aidons des multinationales à faire des profits immenses et nous gagnons un salaire d’esclave », résume ­ « Lucile », une « turkeuse » américaine de 29 ans. Marie Mento s’en amuse. « La première semaine, je me suis fait 1 dollar. Ces derniers temps, je parviens à gagner 60 à 70 dollars » pour environ 30 heures passées sur MTurk. Soit 2,30 dollars de l’heure, bien en deçà du salaire minimum fédéral américain, fixé à 7,25 dollars.

    #amazonologie #travail #digital_labour