L’affaire de La Chapelle, par Tieri Briet — L’Autre Quotidien
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La malédiction
Je suis une malédiction
Je suis la malédiction incarnée
Suspendu à ma corde secrète
Attaché à l’utérus du ciel
J’entends les cris du vent et les pleurs aux alentours
Je parle aux fleurs autour de moi et j’admire le chant des murs
Ces murs de mon isolement infini et
La peur mon amie secrète
Rien ne me donne le sentiment de sécurité...
Vous les passants face à moi
Ne demandez pas la miséricorde en mon nom
Comme pour un pécheur dans l’attente du pardon
Détournez le regard
N’ayez pas pitié de moi
Donnez-moi un sac noir
Pour que j’y rassemble ma désolation
Ma défaite et mon anéantissement
... Pour pouvoir le mâcher et l’avaler
Donnez-moi du feu pour que je brûle mes saletés,
Je suis une charogne qui empuantit votre air
Jusqu’à vous faire détester vos corps élancés
Parfumés d’essences florales de Paris
Je vous inspire la haine de la race humaine
mes semblables désarticulés...
ceux qui ont subi les horreurs des guerres
... Je suis une charogne où demeurent les vers
Je ne serai ni leur dernier rêve, ni leur dernière demeure
Ni ce qui reste de leurs souvenirs
J’ignore le jour de ma mort
Laissez moi reprendre souffle
Fermer les yeux pour me réveiller au paradis
Je n’ai envie de rien
Rien ne me séduit plus
Même pas le baiser de l’enfant que j’aurais pu avoir
Ni la jouissance au moment de sa conception
Ni même la pénétration d’une partie de moi
Dans les vagins, berceaux de mes espoirs incertains
Priez pour que mon heure arrive vite
Le moindre regard vers moi ne vous inspire que dégoût
Laissez-moi quitter votre monde d’artifices
où je n’existe pas...
Je suis un anonyme sans identité, sans papiers
Un tas de détritus face à vos portes
... Je m’abandonne entre vie et mort
Puisse (Dieu) me faire ange ou démon, qu’importe
Que ma mort soit subite
Si seulement les fleurs pouvaient pousser sur mon cœur
Parfumaient mes poumons et ornaient les vers...
Et les battements de mon cœur partageraient la nostalgie du chant des cloches...
Vos prières enveloppent ma peur
Mais
Je ne mérite pas le nom de corps
Parce que c’est mon cadavre pourri qui vous observe
Ce corps qui d’être dénié devient charogne
L’eau la plus limpide n’arrive plus jusqu’à moi...
Même vos chiens me regardent étrangement
Vos chiens bien emmitouflés qui ont des papiers d’identité et un nom
Des coussins et des colliers ornés de perles
Eux qui me surveillent étrangement...
Ô Dieu que je respecte...
Quand m’accorderas-tu ta miséricorde
Pour autoriser mon coeur à s’arrêter
Mon cœur empli de fleurs empoisonnées,
Cette boule qui ne se lasse jamais...
Son battement m’épuise et m’exaspère
Il n’y a pas pire mot que réfugié à jeter à la figure d’un homme
Des strates de saleté couvrent ma peau
Et la réchauffent de puanteur
Vos parfums perturbent les poux incrustés dans mes cheveux
... Vous les passants... Devant moi !!!
Je suis un migrant qui a survécu à la fermentation de la chair en Méditerranée
Pour finir de fermenter dans les rues de Paris
Ces rues qu’on nettoie au petit matin... moi pas !!!
Je suis le mensonge de ce monde
Je suis cette humanité (venue d’Adam) surmédiatisée
Dont les stratégies municipales se débarrassent
Ils instituent des milliers de commissions
Ils dépensent des sommes colossales
Pour m’arracher aux racines des arbres où je suis imbriqué
Alors je ne sais plus si je suis un lambeau de chair ou un pavé
... Ce monde me nie
... il renvoie mes frères à leur destin de torturés et d’accusés
Assassinés au nom des conventions internationales
Après avoir échappé aux contrôles de police à Rome
Aux prises d’empreintes maudites
Venus des fleuves de sang africain pour sombrer plus bas que terre
Mais pourquoi ???
Parce que je suis un réfugié qui pue
Allongé, espoir bloqué et horizon bouché
Perdu, je meurs à la naissance des fleurs
Dans le silence de l’éclosion
Hassan Yassin
bonus : ▻https://youtu.be/nknOm2Ect7E