• L’affaire de La Chapelle, par Tieri Briet — L’Autre Quotidien
    http://lautrequotidien.fr/aujourdhui/2017/5/22/laffaire-de-la-chapelle-par-tieri-briet

    La malédiction

    Je suis une malédiction
    Je suis la malédiction incarnée
    Suspendu à ma corde secrète
    Attaché à l’utérus du ciel
    J’entends les cris du vent et les pleurs aux alentours
    Je parle aux fleurs autour de moi et j’admire le chant des murs
    Ces murs de mon isolement infini et
    La peur mon amie secrète
    Rien ne me donne le sentiment de sécurité...

    Vous les passants face à moi
    Ne demandez pas la miséricorde en mon nom
    Comme pour un pécheur dans l’attente du pardon
    Détournez le regard
    N’ayez pas pitié de moi
    Donnez-moi un sac noir
    Pour que j’y rassemble ma désolation
    Ma défaite et mon anéantissement
    ... Pour pouvoir le mâcher et l’avaler

    Donnez-moi du feu pour que je brûle mes saletés,
    Je suis une charogne qui empuantit votre air
    Jusqu’à vous faire détester vos corps élancés
    Parfumés d’essences florales de Paris
    Je vous inspire la haine de la race humaine
    mes semblables désarticulés...
    ceux qui ont subi les horreurs des guerres

    ... Je suis une charogne où demeurent les vers
    Je ne serai ni leur dernier rêve, ni leur dernière demeure
    Ni ce qui reste de leurs souvenirs
    J’ignore le jour de ma mort
    Laissez moi reprendre souffle
    Fermer les yeux pour me réveiller au paradis

    Je n’ai envie de rien
    Rien ne me séduit plus
    Même pas le baiser de l’enfant que j’aurais pu avoir
    Ni la jouissance au moment de sa conception
    Ni même la pénétration d’une partie de moi
    Dans les vagins, berceaux de mes espoirs incertains

    Priez pour que mon heure arrive vite
    Le moindre regard vers moi ne vous inspire que dégoût
    Laissez-moi quitter votre monde d’artifices
    où je n’existe pas...
    Je suis un anonyme sans identité, sans papiers
    Un tas de détritus face à vos portes

    ... Je m’abandonne entre vie et mort
    Puisse (Dieu) me faire ange ou démon, qu’importe
    Que ma mort soit subite
    Si seulement les fleurs pouvaient pousser sur mon cœur
    Parfumaient mes poumons et ornaient les vers...
    Et les battements de mon cœur partageraient la nostalgie du chant des cloches...

    Vos prières enveloppent ma peur
    Mais
    Je ne mérite pas le nom de corps
    Parce que c’est mon cadavre pourri qui vous observe
    Ce corps qui d’être dénié devient charogne
    L’eau la plus limpide n’arrive plus jusqu’à moi...
    Même vos chiens me regardent étrangement
    Vos chiens bien emmitouflés qui ont des papiers d’identité et un nom
    Des coussins et des colliers ornés de perles
    Eux qui me surveillent étrangement...
    Ô Dieu que je respecte...
    Quand m’accorderas-tu ta miséricorde
    Pour autoriser mon coeur à s’arrêter
    Mon cœur empli de fleurs empoisonnées,
    Cette boule qui ne se lasse jamais...
    Son battement m’épuise et m’exaspère
    Il n’y a pas pire mot que réfugié à jeter à la figure d’un homme

    Des strates de saleté couvrent ma peau
    Et la réchauffent de puanteur
    Vos parfums perturbent les poux incrustés dans mes cheveux
    ... Vous les passants... Devant moi !!!
    Je suis un migrant qui a survécu à la fermentation de la chair en Méditerranée
    Pour finir de fermenter dans les rues de Paris
    Ces rues qu’on nettoie au petit matin... moi pas !!!

    Je suis le mensonge de ce monde
    Je suis cette humanité (venue d’Adam) surmédiatisée
    Dont les stratégies municipales se débarrassent
    Ils instituent des milliers de commissions
    Ils dépensent des sommes colossales
    Pour m’arracher aux racines des arbres où je suis imbriqué
    Alors je ne sais plus si je suis un lambeau de chair ou un pavé

    ... Ce monde me nie
    ... il renvoie mes frères à leur destin de torturés et d’accusés
    Assassinés au nom des conventions internationales
    Après avoir échappé aux contrôles de police à Rome
    Aux prises d’empreintes maudites
    Venus des fleuves de sang africain pour sombrer plus bas que terre
    Mais pourquoi ???
    Parce que je suis un réfugié qui pue
    Allongé, espoir bloqué et horizon bouché
    Perdu, je meurs à la naissance des fleurs
    Dans le silence de l’éclosion

    Hassan Yassin

    bonus : https://youtu.be/nknOm2Ect7E