De quoi la pieuvre est-elle la figure ?
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A ce stade, l’image de la pieuvre géante est une figure de fantaisie, proche du dragon ou de la licorne. Elle évoque une force menaçante dissimulée au fond des mers, sans pour autant être liée à un contenu métaphorique déterminé. A la fin du XIXe siècle, on la voit associée à la franc-maçonnerie, première manifestation d’un lien entre cette figure et un pouvoir occulte
[...] les tentacules permettent d’ajouter l’idée de ramifications multiples, tandis que le corps mou du céphalopode illustre celle d’un pouvoir sans visage.
Il n’est guère étonnant de constater l’installation des auteurs antisémites dans cette tradition iconographique, à partir des années 1930. On notera cependant que, même dans ce cadre, l’utilisation de l’image de la pieuvre reste toujours liée à l’évocation du versant économique du pouvoir supposé du peuple juif. En réalité, la composante géographique de la figure, qui suppose de localiser à un endroit précis la tête du céphalopode, est en contradiction avec un élément central de la doctrine antisémite, qui dessine le Juif en apatride. C’est pourquoi la propagande nazie préfère traduire sa détestation du peuple juif par la métaphore des rats ou des poux, soit un grouillement qui se répand de façon virale [...]
La pieuvre est une figure employée par l’anti-capitalisme tronqué, cette perception complotiste du capitalisme qui cherche à fixer sur un groupe ethnique, social, ou national la face abstraite et déterminante de la domination impersonnelle du capital. Elle n’est pas fondamentalement antisémite, mais elle ne lui est pas non plus totalement étrangère. Si Le Juif Süss ne fait pas appel à cette métaphore, les protocoles des sages de Sion le font bien dès 1901.