Sombre

“Only the mob and the elite can be attracted by the momentum of totalitarianism itself. The masses have to be won by propaganda.” (Hannah Arendt) IN GIRUM IMUS NOCTE ECCE ET CONSUMIMUR IGNI

  • Macron, classe moyenne et politique : réflexions sur la présidentielle 2017 – carbure
    https://carbureblog.com/2017/06/05/macron-classe-moyenne-et-politique-reflexions-sur-la-presidentielle-201

    Les élections présidentielles de 2017 en France ont été ce qu’on pourrait appeler une petite conjoncture : une structure sociale en crise s’effondre sous le poids de ses contradictions, et, dans le même moment et pour les mêmes raisons, parvient à se rétablir, non sur des bases nouvelles, mais en correspondant plus encore à ce qu’elle était auparavant. C’est une mise en adéquation à la situation telle qu’elle peut être appréhendée par cette structure : la crise formulée dans ses propres termes et résolue dans ses propres termes. Autrement dit, c’est un tour de vis et un retour à l’ordre, là où une « grande » conjoncture se caractériserait par l’impossibilité de le rétablir.

    Comme un chat qui retombe sur ses pattes, la classe politique française, à travers l’éclatement des deux partis qui se partagent le pouvoir depuis quarante ans et font l’objet de critiques de plus en plus pressantes, est parvenue, face aux populismes de droite comme de gauche, à rester aux affaires. Parler de recomposition n’y change rien : ce qui s’est passé, sous les dehors d’un « grand chambardement », revient à entériner dans les faits et à accentuer ce qui faisait le fond de la crise de légitimité de la politique en France : le système de l’alternance en revient à un régime de parti unique, appliquant une politique unique.

    #Emmanuel_Macron #En_marche_arrière #EnMarcheVersLeFN

    • On voit bien en quoi Macron, dans sa personne comme dans son « projet », répond parfaitement à cet état de fait : il incarne exactement le récit de vie du jeune diplômé de la classe moyenne supérieure qui, par son travail acharné, et malgré la concurrence, réussit à s’élever au-dessus de sa situation de départ. Pour lui, le chômage est moins un accident de parcours qu’une occasion de se reconvertir et de faire de nouvelles expériences : c’est un élément de carrière, qui prend place dans une stratégie sociale plus large. Et c’est en toute bonne foi qu’il pourra encourager les ouvriers de Whirlpool à faire preuve d’initiative et de saisir l’opportunité que doit représenter pour eux leur licenciement prochain : c’est comme ça, pour lui, que ça marche.

      Cette situation ne va pas sans difficultés. Pour les jeunes, catégorie déterminante en ce qu’elle indique de quoi demain sera fait, l’allongement de la durée des études, la dévalorisation des diplômes les plus courants, le fait qu’à la sortie de longues études on ne soit pas automatiquement gratifié d’un emploi à la hauteur de cet investissement, crée beaucoup d’amertume dans les couches inférieures de la classe moyenne. Dans ce domaine également, les couches supérieures ont su recloisonner vers le haut et se reconstituer des privilèges : le recrutement au sein des grandes écoles, le réseau relationnel, etc., garantissent de ne pas se retrouver dans la jungle commune de la recherche d’emploi. Il n’en reste pas moins que 80% des jeunes diplômés trouvent un travail à la sortie de leurs études, ce qui est loin d’être le cas dans une même tranche d’âge chez les non-diplômés, c’est-à-dire chez les jeunes prolétaires.

      Car les difficultés bien réelles qui découlent du fait que les privilèges doivent désormais être défendus bec et ongles font oublier que certains sont purement et simplement exclus de la compétition. Pour les jeunes de la classe ouvrière, le parcours professionnel ne fait l’objet d’aucune stratégie sociale, il est le plus souvent subi : orientation dans des filières dévalorisées ou absence de qualification et sortie précoce du système scolaire, précarité et chômage endémiques (ce chômage-là : celui qui n’est pas un élément de carrière, mais qui vous met à la rue), avec le passage de plus en plus courant par la case « débrouille » et séjour culturel en prison sont le lot des jeunes prolétaires, qui n’ont guère de privilèges à défendre. Cette mise hors-jeu de la compétition sociale s’accompagne très logiquement d’une mise hors-jeu électorale : la classe ouvrière ne va pas voter. Ceux qui savent n’avoir rien à attendre de la politique ne lui demandent logiquement rien.