• Les infections résistantes aux antibiotiques, ça n’arrive pas qu’aux autres
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    Bactéries multi-résistantes, ou superbactéries ?

    Si les citoyens rencontrent tant de difficultés à mesurer l’ampleur de la menace représentée par l’émergence des bactéries multi-résistantes, c’est aussi parce que les experts du sujet n’ont pas encore réussi à s’entendre pour parler d’une seule voix. Ils emploient des mots différents pour désigner… les mêmes choses. Les médecins infectiologues français vont dire bactéries multi-résistantes (BMR) et antibiotiques ; quand les spécialistes de l’OMS vont parler de superbactéries (superbugs, en anglais), et d’antimicrobiens (antimicrobials).

    A l’échelle mondiale, le vocabulaire commun qui permettrait de désigner le problème et ses solutions manque cruellement. C’est le constat que mes confrères d’Afrique du Sud, de Suisse, du Royaume-Uni, et moi-même, faisons dans l’article scientifique que nous avons publié le 3 mai dans la prestigieuse revue Nature.

    Dans cet article, nous appelons à une intervention collective des Nations-Unies afin d’établir un vocabulaire de référence.

    Quel nom trouver, en français, pour les bactéries résistantes ? Quand l’OMS a dressé sa récente liste des 12 bactéries contre lesquelles il devient urgent de trouver de nouveaux antibiotiques, les médias ont parlé de « superbactéries ». Or ce mot prête à confusion, évoquant des bactéries particulièrement virulentes qui se multiplieraient à grande vitesse, ce qui n’est pas le cas. Elles ne prolifèrent pas plus que les bactéries sensibles aux antibiotiques, mais sont plus difficiles à combattre avec les traitements dont nous disposons.

    Des précautions pour les hommes, comme pour les animaux

    Les programmes de santé publique visant à l’utilisation appropriée d’antibiotiques gagneraient à être qualifiés, en anglais, par le terme « antibiotic stewardship », pour les précautions à prendre aussi bien dans la santé humaine que dans la santé animale. Ce mot englobe la dimension individuelle et collective de toute prescription antibiotique. Il met l’accent sur le fait qu’en utilisant un antibiotique, l’individu (comme l’animal d’élevage) avantage les bactéries résistantes dans sa propre flore intestinale et les transmet aussi à son environnement. Il souligne aussi la nécessité de préserver une ressource (les antibiotiques) pour le bien de tous, de manière durable. Mais il n’a pas à ce jour d’équivalent évident en français.

    Et si on abandonnait, au passage, le vocabulaire volontiers guerrier d’un « combat mondial » mené contre « l’ennemi » que seraient les bactéries résistantes ? Car on finit par oublier qu’à force « d’attaques », on perturbe le rôle vital joué par notre microbiote dans notre santé. Il serait bon de choisir des mots reflétant mieux la relation écologique qui lie les êtres humains aux bactéries.