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    Peter Drucker, le « pape du management »

    Cette largeur de vue doit sans doute beaucoup à son milieu d’origine. Vienne, la capitale de l’empire des Habsbourg où il naît en 1909, est alors l’une des villes d’Europe les plus dynamiques sur le plan culturel. Ses parents eux-mêmes appartiennent à l’élite intellectuelle de l’Empire austro-hongrois. Son père est un haut fonctionnaire du ministère de l’Economie et sa mère l’une des très rares femmes médecins que compte alors le pays. Le couple et ses deux enfants habitent dans une maison cossue des environs de Vienne, qu’ils partagent avec le compositeur et historien de la musique Egon Wellesz. Chaque soir ou presque, Adolph et Caroline Drucker reçoivent chez eux des intellectuels - comme l’écrivain Thomas Mann -, des juristes, des artistes, des élus du Parlement autrichien - comme Thomas Masaryk, futur président de Tchécoslovaquie - et des économistes. Parmi eux, Joseph Schumpeter, alors jeune professeur en économie politique et futur théoricien de l’« entrepreneur innovateur », et Ludwig von Mises, conseiller économique du gouvernement et spécialiste des questions monétaires. Les discussions sont sérieuses, graves parfois. Peter Drucker racontera plus tard son premier souvenir, celui de cette soirée d’août 1914 lorsque, la guerre déclarée, il avait entendu son père, son oncle - un célèbre juriste de Vienne - et Thomas Masaryk prédire : « Ce n’est pas seulement la fin de l’Autriche, c’est la fin de la civilisation. » Devenu adolescent, le jeune Peter est admis à assister aux discussions savantes des convives et même à y participer. « Ce fut ma véritable éducation », devait-il avouer. [...] Il connaît les positions d’Hitler sur les juifs. Or sa famille, si elle s’est convertie au christianisme, a des origines juives...

    [...]

    En 1943, Peter Drucker commence donc une mission d’audit et de conseil de deux années chez General Motors. [...] C’est de cette mission qu’il tire « Concept of the Corporation », premier ouvrage à décortiquer l’organisation managériale d’une entreprise.

    [...] Dans son livre, celui-ci plaide en effet pour une plus grande décentralisation opérationnelle et pour la création de petites divisions dont les salariés disposeraient d’une très large autonomie, seul moyen à ses yeux d’accroître la productivité de l’entreprise. Au PDG tout-puissant qui donne des ordres que tous doivent suivre il substitue une approche plus interactive fondée sur des échanges permanents, reprenant ainsi les intuitions de Donaldson Brown. Il suggère enfin de céder aux employés un certain nombre d’actions du groupe pour les impliquer encore davantage dans la réalisation des objectifs communs. [...]

    Convaincu très tôt que « dans l’avenir, le travailleur redonnera du sens à sa vie grâce à son action bénévole dans les organisations du secteur social », il se fait le promoteur inlassable du « tiers secteur » tout en jetant un regard sévère sur certaines dérives du capitalisme. Lorsqu’il meurt en Californie en 2005, à l’âge de quatre-vingt-seize ans, la plupart de ses idées sont devenues des standards dans le monde industriel.

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