• Jean-Jacques Urvoas : un fossoyeur qui se voit jardinier – Observatoire International des Prisons
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    D’ordinaire, c’est l’administration qui assure, dans les coulisses du ministère, la passation. Avec la tradition du « dossier ministre », elle informe le nouvel arrivant des chantiers en cours et à mener. Jean-Jacques Urvoas, lui, n’a pas goûté à cet usage. Il a préféré dresser de son propre chef les priorités dans une lettre bilan-testament. L’ancien ministre veut ainsi « enjamber les élections » (1) et imposer sa marque. L’approche se veut apartisane, au-delà des clivages politiques. Urvoas se présente d’ailleurs « comme un jardinier », plantant « des graines pour que ses successeurs profitent des arbres et récoltent les fruits qui en seront issus » (2). C’est plutôt à un exercice d’équilibriste très bancal qu’il se livre : la seule perspective proposée est un grand écart intenable, entre recours réduit à l’emprisonnement et construction massive de prisons. Des injonctions totalement schizophréniques.

    Dans la presse, Jean-Jacques Urvoas a alors le ton d’un ministre sortant qui, débarrassé du poids des réformes à mener, retrouve du courage politique et s’autorise à porter un regard critique sur la politique pénale. Celui qui avait commencé sa prise de fonction en clamant « l’incarcération est un outil utile » (3) la termine ainsi en exhortant le nouveau gouvernement « à sortir le pays de sa culture du cachot » (4). « Dans notre inconscient, la peine doit faire mal et donc doit passer par la prison » (5) fustige-t-il. Pour expliquer plus loin que la seule politique d’avenir qui compte « est celle qui nous fera rompre avec [cette] vision afflictive » (6). Urvoas retrouve comme par magie son costume d’ancien député, celui avec lequel il condamnait le tout carcéral. Et en appelle au changement de paradigme.