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  • Mineurs étrangers : le tri qui tue - Sans Patrie
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    On est en droit de s’interroger sur cet état de crise permanent qui dure depuis plus de dix ans. Pourquoi l’ASE n’a-t-elle pas su faire face à l’augmentation régulière du nombre de mineurs isolés à Paris ? Car jamais personne n’a pensé ou prétendu que leur nombre allait diminuer ou que la capitale cesserait de les attirer… On a la désagréable impression que la saturation constante des services constitue, à l’instar de ce qui se passe aux guichets préfectoraux d’accueil des étrangers, autant un moyen de réguler un nombre de demandes jugé trop important qu’un message aux futurs demandeurs, leur signifiant qu’ils ne sont pas forcément les bienvenus et feraient mieux de passer leur chemin. Objectif d’ailleurs en partie atteint, au vu du nombre de jeunes qui repartent écœurés après leurs premières démarches à Paris.

    Le problème ne réside peut-être pas, ou pas seulement, dans le manque de moyens ou les capacités financières, comme semble l’affirmer Bertrand Delanoë. Dès le début des années 2000, un certain nombre de départements, souvent les plus sollicités, ont développé des résistances à l’accueil des mineurs étrangers isolés. En 2001, une juge des tutelles témoignait, dans la presse, de celle de l’ASE de Paris à accueillir des mineurs étrangers isolés : « À Paris, l’aide sociale à l’enfance traînait des pieds, j’ai donc été obligée de faire des injonctions dans mes ordonnances. [4] » Cette année-là, Paris avait accueilli 527 mineurs isolés.

    Dans un rapport publié en 2002 [5], la sociologue Angélina Etiemble, chargée par le ministère des affaires sociales d’enquêter sur l’accueil des mineurs isolés en France, repère ce phénomène et identifie Paris comme l’un des départements limitant les accueils. Les associations qu’elle interroge (Cimade, France terre d’asile, SSAE) rapportent « la difficulté de l’accueil d’urgence et les réticences de l’ASE à prendre en charge les MIE ». Elles reprochent aux services parisiens ainsi qu’au parquet « de procéder à un âge osseux, dont la fiabilité est médiocre, et de ne pas se saisir de l’urgence ». La sociologue relève que « le personnel de l’ASE de son côté explique que l’administration ne veut pas accueillir de "faux mineurs" et s’inquiète de l’arrivée toujours plus importante de MIE dans ces services ». À cette époque, la grande crainte de l’ASE est que « la mise en place au tribunal des enfants d’un cabinet spécialisé pour les MIE se traduise par un plus grand nombre de placements de "faux mineurs" ».

    Le recours à l’expertise osseuse est alors un moyen de restreindre les prises en charge. Recueillant les propos d’une juge des enfants, Angélina Etiemble écrit : « Notre interlocutrice sait qu’une "masse considérable" de mineurs s’est présentée à l’ASE de Paris en 2001. Or l’ASE tente de limiter cet afflux d’enfants, que l’on suppose envoyés par des "filières", avec comme seul outil l’expertise osseuse, pourtant peu fiable. Le couperet des 18 ans, "prouvés" par l’examen osseux, permet à l’ASE de trier la population ». Sentiment partagé à la même époque par la brigade des mineurs de Paris, pour qui « le seul filtre qu’a trouvé l’ASE, c’est l’âge osseux ».

    Il y a dix ans déjà, l’ASE de Paris demandait au parquet de procéder à des expertises osseuses, plaçait des enfants dans des hôtels sans suivi éducatif, faisait appel des décisions de placement des juges des enfants [6], et multipliait les obstacles pour les dissuader de solliciter une protection. Déjà, l’accusation de tricherie et la peur de l’« appel d’air » guidaient l’action de ces services. Depuis, cela n’a jamais cessé.

    Quelles sont les raisons avancées pour légitimer ces réticences ? Les services parisiens ne seraient « pas adaptés à la prise en charge de ces enfants pour lesquels les projets d’avenir sont difficiles à construire, hors de tout cadre familial » [7]. Ainsi, l’ASE de Paris ne serait pas « adaptée » pour accueillir des mineurs présents sur son territoire, dont personne ne conteste la situation de danger parce qu’il serait « difficile » de leur construire un projet d’avenir. On croit rêver ! Faut-il en déduire qu’un service social 1) n’est pas adaptable, 2) ne serait adapté à la prise en charge d’une catégorie d’usagers que si celle-ci est « facile » à aider ? Et quel serait donc le service « plus adapté » que l’ASE ?