Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • L’émoji, langage de l’émotion ou ponctuation familière ? – L’image sociale
    http://imagesociale.fr/4869

    par André Gunthert

    En dépit des exemples anecdotiques visant à rédiger exclusivement grâce à ce moyen, ce qui me semble caractériser les usages des émojis est au contraire leur intégration au sein de la conversation écrite. Comme Pierre Halté, qui les compare aux formes expressives accompagnant l’expression orale (mimique, gestuelle, intonation, etc.), je crois que raisonner sur les émojis comme s’il s’agissait d’un langage proprement dit n’a pas grand sens1. Que ce soit sous la forme de l’émoticône, groupe de caractères typographiques formant un symbole visuel, ou des imagettes normalisées au sein de jeux de caractères, le trait le plus évident de ces signes est précisément la possibilité de les associer intimement à l’expression écrite et à ses véhicules. Inséré dans le texte comme une lettre, l’émoji peut en accompagner les circulations, à la différence des photographies ou d’autres formes visuelles, qui restent des entités autonomes, juxtaposées aux énoncés.
    Or, l’écriture comporte elle aussi, sous une forme peu développée, et pourtant essentielle, des instruments paralinguistiques, dépourvus de signification en dehors de leur articulation avec les mots. La ponctuation est cet outillage complémentaire qui, associé aux signifiants, leur ajoute des informations de contexte qui en modifient le sens. Les deux points, le point d’exclamation ou le point d’interrogation constituent des modalisations proches des ajouts de smileys, qui indiquent à la fois une inflexion de l’énoncé, tout en restant adaptables à une infinité de situations.

    Il est plus pertinent de décrire les usages des émojis comme une ponctuation étendue que comme un langage autonome. On peut d’ailleurs se souvenir que l’extension des signes de ponctuation faisait partie des questions débattues par les spécialistes de typographie, comme en témoigne la proposition récurrente d’un point d’ironie – finalement matérialisé par le smiley “clin d’oeil”.

    Si l’on reprend la comparaison avec les formes gestuelles associées à la verbalisation, on constate que ce paralangage ne fait pas de l’expression de l’émotion une fin en soi, mais l’utilise au contraire pour nuancer et enrichir le message. Dans une compréhension de l’émoji qui ne le limite pas à sa nature visuelle, mais tient compte de ses usages en composition avec l’écrit, on voit bien que son rôle s’étend largement au-delà du seul registre expressif, à l’ensemble des fonctions du langage décrites par Jakobson, et notamment à ses dimensions phatiques ou poétiques.

    #Emojis #Ecriture #culture_numérique