Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • Le premier disque de « jazz »
    http://abonnes.lemonde.fr/festival/article/2017/08/05/le-premier-disque-de-jazz_5169008_4415198.html

    Le prochain livre de Nicolas Beniès, « Le souffle de la révolte » à paraître cet automne chez C&F éditions revient sur cette période de l’histoire et la place qu’y occupe le jazz.

    Bel article de Francis Marmande en attendant la parution...

    Le premier disque de jazz aurait été enregistré le 26 février 1917 à Chicago : un 78-tours gravé dans la cire par la compagnie Victor (fondée en 1901), de l’Original Dixieland « Jass » Band (ODJB) – les guillemets figurent sur l’étiquette. L’étiquette ? Un chien plongeant l’oreille dans le pavillon du gramophone, une invitation à la danse (« for dancing »), et un style : « fox-trot ». L’ODJB, ce sont quatre garçons cornaqués par Nick La Rocca. Tous nés à La Nouvelle-Orléans. Tous blancs, comme le suggère le terme de « Dixieland ». Blancs comme des hosties et tenant à le faire savoir, nom de Dieu ! En un an, plus de 1 million de copies sont vendues dans le pays. Le succès est foudroyant. C’est une révolution musicale, s’enflamment les gazettes. On connaît la chanson.

    C’est pourtant là que tout commence. Est-ce « le premier » ? Le premier quoi ? Vaste question… Une chronologie du jazz de Philippe Baudoin et Isabelle Marquis (Outre mesure, 2005) mentionne, de 1897 à 1917, une trentaine de références enregistrées, du cylindre au disque, en ragtime et autres blues. La Rocca lui-même s’entraînait en accompagnant un gramophone qui jouait les marches militaires de son idole, John Philip Sousa, un officier à bésicles aux airs de colonel bavarois.

    Toujours est-il que le mot « jazz », sans doute habité d’une étrange magie, « fait sensation, il est court, vif, sensuel, vulgaire et sert à tout et à n’importe quoi ». François Billard, dans sa très vivante Vie quotidienne des jazzmen, 1917-1950 (Hachette) n’a pas tort. L’histoire de l’ODJB est retracée par Jean-Christophe Averty (1928-2017), discographe de génie. On peut lire son récit, dans les Cahiers du jazz, créés par le philosophe Lucien Malson, no 3-4 (1961). Au passage, constatant que l’enregistrement impose ses normes, ses distances aux micros et ses durées, il pouvait lui arriver de dire, comme eût dit Alfred Jarry, son guide en provocations : 1917 signe la fin du jazz. Il ne juge guère. Il lui suffit de comparer. Il s’attarde peu sur la personnalité de Nick La Rocca (1889-1961).

    Lequel était, on s’en tient à ses propres propos, autocrate, déplaisant, raciste, mégalomane, et franchement mytho. Il se prenait pour « le Christophe Colomb du jazz ». Ce en quoi il était peut-être, sans le savoir, dans le vrai. Et le musicien ? Contemporain de Buddy Bolden, King Oliver, Freddie Keppard et Louis Armstrong, il joue comme une patate. Depuis l’enfance, il taquine le cornet à pistons. Son adolescence à La Nouvelle-Orléans tient de Ringolevio (Emmett Grogan) et de Mort à crédit (Céline). Pas un Noir à l’horizon.

    En 1917, les Etats-Unis déclarent la guerre à l’Allemagne. Dans les bateaux qui reviennent sur les lieux du crime, Saint-Nazaire, ­Bordeaux, il y a des musiciens. Notamment Jim Europe. Il avait d’ailleurs lui-même enregistré, dès 1913. Devant cette immense aventure qui commence, le symptomatique Original Dixieland Jass Band reste à sa juste place : celle d’un petit combo de gamins qui connurent leur quart d’heure de gloire et qu’une photo montre, en 1921, « apaisant les bêtes sauvages au zoo de Central Park ».

    #Musique #Jazz #Domaine_Public