Philippe De Jonckheere

(1964 - 2064)

  • Les rêves en ce moment
    Vont souvent par trois
    Et sont très illogiques

    Émile rentre de L’EMPRO
    Avec une demi-douzaine de camarades
    Je ne suis pas dépassé par les événements (irréel)

    Mon père débouche du 93 pour mon Grand-Père
    Ils échangent à propos de la vie sentimentale
    Ils se tutoient (invraisemblable)

    Mon cousin Raymond
    Fait le pitre au piano
    Mais ne fait rire personne (rare)

    Moment de grand silence
    Avec Émile, tous les deux
    Assis sur la margelle, matin

    Cafés à répétition
    Pour retarder
    Le moment de s’y mettre

    S’y mettre finalement
    Dans l’espoir, déçu
    Toujours déçu, de l’oublier

    Malgré tout, peindre, discuter
    Peindre, couche après couche
    Discuter, année après années

    Clément me parle d’un chantier
    Démarré dans le but d’oublier
    Et son plaisir, désormais, d’y habiter

    Sarah nous apporte un café
    Nous avons les mains pleines de laque
    Le café a un goût d’esprit blanc

    Après la douche, tenter
    De retrouver ses pensées et domestiquer
    Le tremblement des mains sur le clavier

    Souffrir de solitude
    Au milieu des siens
    Tous attentionnés

    Déjeuner et rire
    Dans le vacarme
    D’une débrousailleuse

    Tes deux manuscrits n’avancent guère
    Tu n’as pas encore fini de lire un livre
    Mais les volets se teignent de rouge basque

    Rouge basque
    Rouge basque
    Rouge basque

    La tentation est grande
    D’écrire des poèmes
    En avance

    Décrire une autre vie
    Écrire des poèmes performatifs
    Faire advenir un futur proche rêvé

    Mais non,
    Surtout n’en rien faire
    Et tarir tout espoir d’elle

    Puisque c’est bien elle seule
    Qui manque à la félicité
    Vraiment ! du moment

    Enregistrer le son
    De la débroussailleuse
    Y trouver une musicalité

    Faire de la terrasse ombragée
    De la Cézarenque le lieu
    Des conversations fondatrices

    D’abord Émile, avant-hier
    Puis Zoé cet après-midi
    Sarah, en Arles, plus tard ?

    En photographie, toujours eu
    Le sentiment que les nouvelles
    Images détrônaient les anciennes

    Avec l’écrit au contraire, relire
    Des passages d’ Une Fuite en Égypte
    M’intimide et me tarit

    La chaleur des siestes ici
    N’est pas très bonne
    Pour penser à autre chose

    Une scutigère prisonnière
    De sa marie-louise rend
    Très étrange Le Départ de la course

    Je laisse mon livre de côté
    Au bord de la rivière
    Et je m’endors

    Sieste de très courte durée
    Réveillé par les cris
    D’enfants mal élevés

    Ma bonne humeur est inaliénable
    Je souris en réalisant que j’ai dormi
    Dans le lit de la rivière en hiver

    Un vieux robinet qui lâche
    Et c’est l’économie de la maison
    En péril relatif

    Courgettes farcies
    Au pélardon et oignons confits
    Sous-bois, soupirs d’aise

    J’offre Une Fuite en Égypte
    À mes voisins cévenols
    Incrédules et heureux

    C’est souvent dans le regard
    De mes voisins cévenols
    Que je réalise le grandissement des enfants

    Émile me ressemble
    Au même âge
    Mais j’étais plus mignon (Claude)

    Il fait nuit noire, quand je rentre
    Les ombres d’ici ne me font plus peur
    La peur se retire de ma vie

    Je me lave les dents
    Dans un seau d’eau
    Comme il y a quarante ans

    #mon_oiseau_bleu