Philippe De Jonckheere

(1964 - 2064)

  • Rêves mortifères
    Aube grise
    Corps endolori

    Un nouveau médicament est découvert
    Pour guérir les autistes, le Césium
    Je m’oppose à ce qu’Émile en prenne

    Mon plus grand plaisir dans la vie
    ― Peut-être au-delà de ses fellations ―
    Une gorgée de café en face du Mont-Lozère

    La pluie m’a réveillé fort tôt
    Et me prive du spectacle
    De l’aube sur l’adret

    Je trempe mon spéculoos
    Dans mon café cévenol
    Cela ne me projette pas à Loos

    Césium
    Muiséc
    Musique !

    Après le rêve de cette nuit
    Je cherche de quoi le césium est le nom
    C’est un anagramme imparfait de musique !

    Élément atomique
    Du groupe des alcalins,
    Métal mou, jaune

    Et lui, l’autre homme
    Sait-il à quel point
    Sa compagne me manque ?

    Dans la vallée
    Un bûcheron
    Entame tôt

    Sur l’écran trois textes ouverts
    Mon oiseau bleu, La Grève des rêves
    Une fuite en Égypte
    (version courte)

    mon_oiseau_bleu.rtf
    la_greve_des_reves.rtf
    une_fuite_en_egypte_scene.rtf

    &#{[|\@]}£¤*% , tous ces caractères
    Que je n’utilise jamais dans mes poèmes
    Quel gâchis !

    Matin calme, fenêtre ouverte
    Je lis Des Inuits aux Batignolles de Sarah
    Je ris de tendresse pour mon amie

    Je ris de tendresse pour Sarah
    Je ris de comprendre in fine
    Que nous ayons en partage l’autodérision

    Je ris (et je pleure) avec Sarah
    De l’évocation des années
    De poussette et de sacs plastiques

    Et j’éclate de rire :
    Le Mélodie n’a pas franchi
    Le détroit de Gibraltar

    J’ai la gorge serrée
    Quand les enfants disent
    C’est là qu’on habitait

    Le tour de rein inédit
    Dégénère et ressemble, en fait
    À des maux de dos bien connus

    Quand j’ai mal au dos dans les Cévennes
    J’ai le sentiment que les murs et les marches
    De la maison se moquent de moi

    À la dureté des lauzes cévenoles
    Ma colonne vertébrale vermoulue
    Ne peut opposer que le courage

    Je retarde le chantier de peinture
    En cuisinant un clafoutis aux abricots
    Pour le dîner aux truites avec Valérie ?

    Et dans la maison
    Nul ne bouge
    Profondément endormis

    Reprenant ma couette au bord de fenêtre
    Mise à aérer, je sens l’humidité de l’air
    Prisonnière du drap alourdi

    Finalement ce matin
    Il n’y a pas d’autres urgences
    Que celle de lire. J’y retourne

    Tiré de ma lecture
    Par l’odeur du caramel
    Merde, le clafoutis ! Foutaclis ?

    Rouge basque
    Rouge basque
    Rouge basque

    Sieste, un orage lointain
    Et les gargouillements de mon estomac
    Forment un étonnant duo

    Parfois à l’unisson
    D’autres fois décalés
    Un duo parfait

    L’orage s’éloigne
    Les gargouillements perdurent
    Tels un orage à l’intérieur de moi

    J’aimerais tellement qu’elle écoute
    Cet orage captif
    La tête posée sur mon ventre

    Elle ne restait jamais en place
    La tête posée sur mon ventre
    Je bande en écrivant un poème

    En fait je viens de le comprendre
    Et l’idée ne me fait pas plaisir
    Mon tour de rein relève du rhumatisme

    Après le début de l’andropause, l’arthrose
    Voilà que je suis désormais sujet
    Aux variations hygrométriques

    Et for de cette découverte
    Je sens bien que je ne renonce
    Pas encore à une vie érotique

    Contrariées par la pluie
    Les buses se retrouvent
    Sur les pentes de l’ubac

    Points sombres
    Contre l’ombre
    Chuintement pluvieux

    Ces deux jours d’intermittence
    De la pluie pourraient-ils
    Etre porteurs de girolles d’été ?

    Les rideaux de pluie successifs
    Peignent des lavis de plus en plus dilués
    Sur les pentes successives, s’estompant

    Spectacle silencieux
    Promesses de rivière annulées
    Sortons les jeux de société !

    Je suis mon pire bourreau
    Hier chaussures neuves
    Aujourd’hui fauteuil trop bas

    L’adolescence d’Anne Collongues
    Et sa jeunesse ressemblent aux miennes
    Avec vingt ans d’écart. L’immuable ?

    Jusqu’au nom d’Art Institute
    Jusqu’aux banlieues retrouvées
    Jusqu’à l’ennui et la rencontre de l’Inde

    Jusqu’à l’ennui
    Et la manière de s’en sauver :
    La photographie

    Je ne suis jamais allé en Inde
    Mais j’y ai vécu, je sais dire Thé ?
    En tamoul.

    Par temps gris
    Rien ne vaut un goûter
    À la Cézarenque

    Deux petites bourrasques de vent
    Et le ciel se dégage, chaleur humide
    Et lumières de fin de jour, blanches

    Zoé me regardant lire le journal
    Est-ce qu’il y a une photo de Macron
    À toutes les pages ?

    Vérifiant par elle-même
    Quelques pages plus loin
    Ah non il y a Trump aussi !

    Truites en papillotes
    Pommes de terre en robe de chambre
    Clafoutis (réussi, pas foutu) aux abricots

    Parties d’échecs
    À couteaux tirés
    Avec mon fils Émile

    Finales serrées (après une guerre du centre)
    Maigres avantages (de position)
    Qui se monnayent cher (Émile gagne)

    Dans la salle de bain
    J’aggrave mon tour de rein
    Et je pense au titre Falsche Bewegung

    Clément me donne un de ses opiacés
    Dont il me donne le nom après l’avoir avalé
    Le Tramadol auquel je suis intolérant

    Néanmoins le Tramadol fait effet
    Couplé avec le respirateur nocturne
    Cela relève de l’anesthésie

    #mon_oiseau_bleu