Au saut du lit je note mes rêves en prose
Puis, en vers, dans Mon Oiseau bleu
Mais pour qui je me prends ?
J’entame la lecture du livre de Nicolas Stephan
De la violence dans les détails , hésitation :
Dois-je écouter sa musique, ici ?
Dans les Cévennes, je m’interdis
D’écouter de la musique, et, de toute façon
En ce moment je suis fâché avec la musique
Dans les Cévennes je n’écoute pas de musique
Mais j’écoute tous les petits bruits
Dans la vallée, le matin, là, tout de suite
Dans les Cévennes, je fuis les enregistrements
Je n’écoute que de la musique fortuite
Celle inattendue, tel Peter Handke
►http://www.desordre.net/bloc/ursula/2014/sons/jimi_hendrix.mp3
Dans les Cévennes, il a trois ans
Il y avait eu un concert de rock dans la vallée
Des reprises de Hendrix, c’était très beau
Dans les Cévennes je préfère rester
Sur le seuil de l’église pour écouter,
Entendre, le piano à bretelles
Dans les Cévennes les ombres des nuages
Sur les versants du Mont-Lozère
Font office de partitions visuelles
Dans les Cévennes
La musique est considérée
Comme un poison de la ville
Pourtant, il y a vingt ans, cette maison
A abrité un trombone, un violon, un alto
Un violoncelle, une guitare et un théorbe
Toute maison qui n’aurait pas un jour
Abrité en son sein un théorbe
N’est pas vivable
Assez avec la musique !
Il y a des légumes à éplucher
Pour le pique-nique de ce midi
Mes plus profitables leçons
D’éclairage, je les tiens du soleil
Dans cette vallée
Ma plus profitable leçon
D’éclairage : on peut tout faire
Avec une seule source de lumière
Puisque je dois mourir un jour
Je souhaiterai que ce soit à cette table
Devant cette fenêtre
Comparant mes ampoules à des tendons d’Achille
Zoé me resitue l’histoire d’Achille, oui, Marie
La petite Zoé d’il y a cinq ans dans votre studio
Pour m’occuper pendant que les enfants
Feront de l’accrobranche j’emporte
Le tapuscrit d’ Élever des chèvres en open space
Le tapuscrit d’ Élever des chèvres en open space
Le journal de la semaine dernière
De la violence dans les détails de Nicolas Stephan
Mes deux filles
Leurs cheveux également attachés
Pour affronter les tyroliennes
Assis à la table de pique-nique
Dans la forêt du Mas de l’Ayre
J’écris à l’ombre de grands châtaigniers
Ça y est, c’est fini
Je ne touche presque plus
À Élever des chèvres en open space
Je reçois l’appel de Hanno
A mon bureau en forêt !
Il arrive demain
Je rêve d’une telle table
Une table sous un arbre
Ce serait ma table d’ombre
Je rêve d’une telle table
Une table sous un arbre
En parler à Daniel
Je rêve d’une telle table
Sur laquelle il neigerait en hiver
Une table sur laquelle poser mes feuillets
Je rêve d’une telle table
Construite dans un bois
Imputrescible
Je rêve d’une telle table
Qui, été après étés se souviendrait
De ce que j’y ai écrit
Je rêve d’une telle table
Sur laquelle le vent
Égarerait mes feuillets
Je rêve d’une telle table
Où les feuilles de mon arbre
Dessineraient sur mes feuillets
Je rêve d’une telle table
Où j’abandonnerais tout un hiver
Un tas de feuillets sous une lourde lauze
Je rêve d’une telle table
Où il pleuvrait tout l’hiver
Sur une Remington rouillée
C’est dimanche
Octroie-toi le droit
De ne pas poncer
C’est dimanche
Cumule les plaisirs
Va nager !
C’est dimanche
Tu ponceras
Demain
Au pont, je croise une très jolie femme
Nous nous sourions, tous les deux incapables
De se souvenir d’où nous nous connaissons
À la rivière la sensation heureuse
De nager dans une mer de reflets sombres
Huileux, froids et caressants
Truite
Riz
Melon
Décharge dans le dos
La cruralgie reprend ses droits
Et me foudroie, je suis alité
Je lis en regardant les reflets
S’assombrissant du crépuscule
Sur les montants des fenêtres
Je suis découragé à l’idée
Qu’il faut aussi que je peigne
Les montants des fenêtres
Le comprimé que je devrais prendre
Pour soulager mon mal de dos
Tombe entre deux lames de parquet
Tramadol qui tombe
Entre deux lames de parquet
Bonne nuit et fais de beaux rêves !