Philippe De Jonckheere

(1964 - 2064)

  • https://www.youtube.com/watch?v=CMcKrMXzjhg

    Rêve de savoir jouer du piano comme Dollar Brand
    Rêve d’une nouvelle procédure judicaire
    Rêve de ma pendaison par la maladresse de mon père

    C’est un pic-vert
    Opiniâtre
    Qui me réveille

    Le pic-vert matinal
    M’envoie un message
    En morse, ce n’est pas SOS

    Un vent du Nord
    A créé du désordre
    Dans ma chambre

    Le vent du Nord
    Ne savait pas quoi nous apporter :
    De grands fourreaux de nuages

    Le vent du Nord
    Souffle fort au sommet
    Les nuages passent vite

    Le vent du Nord
    Brosse la canopée
    Sans bruit, continument

    Le vent du Nord
    Me donne envie d’un café
    Avec des spéculoos !

    Je reproduis un rituel photographique
    Sans y croire, par pure habitude
    Ma photographie est devenue superstition

    Les fesses froides sur la margelle
    Les doigts qui brûlent autour de la tasse
    Le visage dans les nuages, là

    Le ciel se couvre, plus un rai de soleil
    Émile arrive pour son petit déjeuner
    Je vais aller faire de la peinture

    Tout à l’heure, des nuages gris
    Se découpaient sur ciel bleu,
    Maintenant nuages blancs sur ciel gris

    Un premier rideau de pluie
    Franchit le Bousquillou
    Nous n’y couperons pas

    Je voudrais décrire la beauté
    D’une partie d’échecs avec Émile
    Mais n’est pas Nabokov qui veut

    Le vent du Nord
    Joue avec
    Mes nerfs

    La musique me fait penser à elle
    La poésie me fait penser à elle
    De quelles beautés faut-il me couper ?

    La photographie
    Ne me fait pas penser à elle
    Mais je n’en fais plus, je devrais

    Il n’était pas neuf heures
    Quand ma voisine est venue voir si cela allait
    J’avais déjà peint cinq volets. Ça va mieux !

    Rouge basque
    Rouge basque
    Rouge basque

    Ma voisine a fini de lire hier soir
    Une fuite en Égypte
    Son sourire en dit long. Ému

    Une fois par an, des jurons
    Et un litre de mélange à 4%
    Pour ressusciter la débrousailleuse

    Tous les ans je mesure les progrès
    D’Émile dans sa spatialisation
    En passant la débroussailleuse

    Je délègue le déjeuner aux filles
    Et je retourne sous l’arche
    Manger de la poussière

    Le vent du Nord
    Plein de remords
    A dispersé tous ses nuages

    La factrice apporte le journal
    Abonnement de mes parents
    Zoé : « encore des articles sur Macron ! »

    Un article retrace l’affaire Fillon
    Les dates qui l’émaillent au printemps
    Sont celles de mon histoire avec elle

    Mais mains sont pleines
    De rouge basque et laissent
    De petites tâches sur mon clavier

    D’après le journal, les nouveaux députés
    Macronistes viennent de l’entreprise
    Et parlent de bench marking à l’Assemblée

    Je m’interdis
    La lecture
    Du journal

    Je m’interdis la lecture du journal
    J’ai bien assez de livres comme ça
    Au hasard : Partages d’A. Markowicz

    Les rêves de sieste
    Sont tellement prompts à la fuite
    De vrais lézards sur des murs chauds

    De fins rideaux de pluie se succèdent
    Douchent les velléités de rivière
    Et encouragent le ponçage

    Deux belles parties siciliennes
    Avec Émile, par deux fois
    Les Noirs l’emportent

    La vie des maisons cévenoles
    En hiver donnent du souci
    À leurs habitants en été

    C’est un Juif qui parle
    À un autre Arabe…

    (André Markowicz)

    Pour Philippe De Jonckheere
    À la même table, dans la même vie
    André Markowicz (25 mars 2017)

    Dans la nuit du 24 au 25 mars
    Je m’en souviens
    Elle m’a …

    Le 25 mars au matin
    Je lui ai cuisiné une omelette
    Qu’elle a trouvé parfaite

    Et le 25 mars au soir
    Je la retrouvais dans Paris
    Visiter l’exposition de Twombly

    Le 25 mars, je l’ai photographiée
    De dos devant l’École de Fontainebleau
    C’est l’unique image que j’ai d’elle

    Le 25 mars, nous avons dîné
    De frites et de légumes crus délicieux
    À la terrasse du Père Fouettard

    Le soir du 25 mars, je la déposais
    Devant chez elle, dans un grand rire
    Elle m’a montré ses fesses dans mes phares

    Après mûre réflexion
    Je décide de ne pas
    Arracher la page de dédicace

    Hanno arrive
    Avec Till et Mila
    Je les vois sur la route

    Dîner désordre
    Mais bon
    Mais désordre

    Le soir, les enfants partis dans leurs chambres
    Nous parlons avec Hanno, je lui parle d’elle
    Nous parlons des États-Unis, des Arts Déco

    Nous parlons des États-Unis, des Arts Déco
    Mais nous ne sommes pas d’anciens combattants
    Au contraire des personnes avides de comprendre

    Quelques paroles tellement vraies entre nous
    Tu ne fais plus de photos ? Non, j’écris. Oui, bien sûr
    C’est la différence entre exister un peu, et pas du tout

    Nous reparlons de la mort de mon frère
    De cette douleur de toute une vie
    Hanno se souvient de comment j’étais avant

    On reparle d’amis perdus de vue
    Des voyages à Saint-Dizier
    Et de ma petite voiture, l’AX

    Je suis triste, Hanno me dit
    Que je ne devrais pas. C’est juste
    Le mauvais moment de l’année, fin juillet

    Il est minuit quand nous montons
    Je reçois un gentil message de B.
    Elle me manque

    Je m’endors en relisant le message de B.
    J’ai noté trois mots sur un papier
    Pour ne pas les oublier. Nuit

    #mon_oiseau_bleu