Logement : les révoltants abus de la « division pavillonnaire » - Le Parisien
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❝La division pavillonnaire consiste à acheter des maisons pour y créer plusieurs logements... pas toujours décents.
La rue Guy-Môquet à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) ressemble à une rue d’un quartier résidentiel comme un autre. La porte blindée d’une maison s’ouvre et Saïd nous fait découvrir son logement, l’un des deux, aux faux airs d’ancien grenier, situé au deuxième et dernier étage du pavillon.
Cet agent de sécurité de 35 ans partage avec son épouse et ses trois enfants, de 2, 11 et 14 ans, cet appartement de 28 m² loué 700 euros par mois. Non seulement la famille est à l’étroit, mais elle vit dans un logement insalubre. En témoignent le mur donnant sur l’extérieur couvert de moisissures à cause de l’humidité, les planches clouées au mur pour séparer sommairement le salon de la chambre, et le plafond de la salle de bains tapissé de taches noirâtres.
« C’est invivable, on en a marre de vivre ici », s’exaspère Saïd qui a emménagé dans ce pavillon de La Courneuve depuis son arrivée d’Algérie en 2012. Mais ses demandes au droit au logement opposable — la loi du 5 mars 2007 permet aux personnes mal logées de faire-valoir leur droit à un logement décent — ou de 1 % logement n’ont obtenu aucune réponse. « Dans ce pavillon, le propriétaire a aménagé jusqu’à neuf logements », explique Jennifer Belkadi, chargée de l’hygiène à la ville de La Courneuve. Sur place, il en reste encore six alors que le propriétaire a été condamné en 2014 pour avoir proposé des hébergements « dans des conditions de suroccupation manifeste ». Il a écopé de quinze mois de prison avec sursis et de 20 000 euros d’amende. Ce qui ne l’a pas empêché de continuer.
Une pratique légale si elle est déclarée et si les locaux sont décents
Les maisons individuelles ainsi divisées en plusieurs logements se multiplient. La « division pavillonnaire », dans le jargon administratif, permet de s’enrichir facilement grâce aux loyers et de revendre plus cher son bien. Une pratique légale, à condition de proposer des logements décents et de respecter le plan local d’urbanisme (PLU). En réalité, le phénomène « pose un problème de spéculation et de logements insalubres », souligne Gaylord Le Chéquer, adjoint à l’urbanisme de Montreuil (Seine-Saint-Denis).
Les abus se concentrent dans les zones où se croisent « forte demande de la part des populations défavorisées et beaucoup de biens à des prix d’acquisitions faibles », signale Anne-Katrin Le Doeuff, directrice générale déléguée d’Espacité. Selon ce cabinet conseil spécialisé dans la politique de l’habitat, près de 120 000 logements seraient issus de la division pavillonnaire en France entre 2003 et 2013.
« Un chiffre fortement sous-évalué car il ne concerne que les logements déclarés », note Anne-Katrin Le Doeuff. Les Yvelines, le Val-d’Oise, le Val-de-Marne mais aussi le Nord et le Pas-de-Calais sont particulièrement touchés. En Seine-Saint-Denis, un quart environ des logements mis en location seraient issus de la division pavillonnaire.
Mais ils sont difficiles à repérer. Les moyens sont souvent artisanaux. « Cela va du trop grand nombre de compteurs électriques à un nombre anormalement élevé d’élèves dans l’école voisine », raconte Corinne Cadays-Delhome, adjointe chargée du logement à La Courneuve. Quant aux locataires, « certains sont en situation irrégulière et ne souhaitent pas attirer l’attention », confie Jennifer Belkadi.
Jusqu’à deux ans de prison en cas d’infraction
Les propriétaires qui se transforment en marchands de sommeil en divisant illégalement leurs pavillons en appartements risquent gros : jusqu’à deux ans de prison et 75 000 euros d’amende. Mais les communes ont du mal à contrer ce phénomène, faute de moyens pour identifier les propriétaires indélicats. Depuis décembre 2016, la loi Alur oblige les propriétaires à demander une autorisation à la commune pour réaliser les travaux s’ils se trouvent dans une zone où l’habitat dégradé est important. Ils doivent aussi passer par la mairie pour obtenir un permis de louer et un permis de diviser.
Afin d’enrayer la spéculation, Montreuil (Seine-Saint-Denis) veut imposer que « le quatrième logement issu d’une division soit un logement social », explique l’adjoint à l’urbanisme Gaylord Le Chéquer. Action Logement et l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France réfléchissent aussi à une forme de réquisition de ces pavillons.
#logement #DALO... (mis l’article entier car après 3 articles PL on est en paywall)