CQFD

Mensuel de critique et d’expérimentations sociales

  • Mauvaise mémoire par Sébastien Navarro
    http://cqfd-journal.org/Mauvaise-memoire

    Le 19 mars 2012, l’Algérie fêtera le cinquantenaire de son indépendance. Une pilule que n’a toujours pas digérée une partie de la communauté pied-noire. À Perpignan, un musée revisite cent trente ans d’Algérie française selon le prisme colonial. Visite guidée.

    Un petit groupe a fait le trajet depuis Béziers et s’arrête devant un tableau, une scène de torture ou d’exécution sommaire, orné d’une mise en garde : « Vous serez tous liquidés, c’est la terreur, le FLN a lancé son mot d’ordre de guerre totale et sans merci. » L’un dit : « Je crois que le peintre s’appelle Nicole Guiraud, c’est une franco-algérienne. » L’autre ajoute : « Elle a perdu un bras. C’était au Milk-Bar d’Alger en 1956. » « Évidemment, tout ça est marqué dans sa chair », conclut un dernier en désignant l’ensemble des tableaux. L’accent est pied-noir. Normal, ce lieu leur est dédié. Bienvenue au Centre de documentation des Français d’Algérie de Perpignan, inauguré en grande pompe le 29 janvier 2012 par le maire UMP de la ville, Jean-Marc Pujol (lui-même rapatrié), et le ministre de la Défense, Gérard Longuet, bien connu pour ses flirts de jeunesse avec l’extrême droite radicale. Une inauguration où l’émissaire élyséen a eu du mal avec un public toujours aussi allergique à la moindre référence gaullienne. Heureusement, il a su coller au texte de ses antisèches sarkozystes : « Je vous affirme que cette année 2012, cinquantenaire de la fin de la guerre d’Algérie, sera l’année du souvenir et du recueillement, et sûrement pas celle de la repentance. » Cent trente ans de colonisation ? « Une formidable aventure. » Les colons français ? « Des hommes et des femmes » qui auront « œuvré à la grandeur de la France ». Voilà pour la grille de lecture.