Philippe De Jonckheere

(1964 - 2064)

  • Finalement, non, je m’en doutais un peu
    Un rêve médiocre, une partie de volley-ball
    Dans une rame de métropolitain, c’est bien aussi

    Mon ordinateur le matin
    Tandis que je m’approche de lui
    « De quoi a encore-t-il rêvé cette nuit ? »

    Macron révise
    Sa stratégie
    De communication

    Le chef de l’État
    Estime que la phase de raréfaction
    De sa parole est terminée

    Un collègue a découvert Une fuite en Égypte
    On en parle en plein open space
    Tel est le cours, parfois surprenant, de ma vie

    Et tu écris à propos de quoi maintenant ?
    Et je lui montre mon écran
    Ouvert sur les Anguilles les mains mouillées

    Il fait soudain un temps de cochon
    Au café, relisant, écrivant
    Je détache mal ma pensée d’elle

    Il
    Faudrait
    Pourtant

    Sur le petit écran de mon appareil-photo
    Je retrouve les images de mes enfants cet été
    Cela redonne un sens à ma vie, un si petit écran

    Mon voisin à la terrasse du BDP
    Est un jeune ouvrier poussiéreux
    Qui mange de bon appétit son poulet massala

    J’aime le soin qu’il prend
    A disposer ses couverts
    Et assaisonner son repas

    Phil, fais-moi ce plaisir, cette grâce
    Détache ton esprit
    Tu n’as pas droit à ce malheur

    Le malheur
    C’est pour les opprimés
    Un peu de décence !

    Et ça va
    Tout de suite
    Un (peu) mieux. Presque

    Relisant Élever des chèvres en open space
    Jusqu’au bout tu dois te méfier de toi-même
    De ton désir de parler de ton train électrique

    Mais
    Tu touches
    Au but

    Tu fignoles
    Comme tu faisais enfant
    Avec tes maquettes d’avion

    Un des plaisirs pervers de ma vie
    Ecouter une conférence d’Onfray
    En voiture. En route vers Autun

    Sur la même route j’apprends
    Qu’Orson Welles s’est intéressé
    A l’affaire Dominici

    Et d’autres trucs
    Qui m’intéressent
    Moins

    Dans l’atelier d’Isa
    En m’installant je sursaute
    Une couleuvre, non un jouet en plastique

    À la table de mes amis
    On parle trois langues
    Et ce n’est pas simple

    Plaisir, toujours
    De baragouiner
    Un peu d’Allemand

    Ça fait du bien d’être à Autun
    Ca la repousse un peu
    Pas seulement elle

    Je m’endors d’un coup
    Comme si je m’enfonçais
    Dans mon lit, cela ne m’arrive jamais

    #mon_oiseau_bleu